En images et témoignages, reportage sur le premier album fondamental du Velvet : 40 ans et pas une (Lou) ride.
A bord d’un métro fonçant vers Harlem, une révolution est en marche. Une révolution musicale en noir et blanc, qui en 1966 substitue aux douillets édredons harmoniques des Beatles des rythmes aussi épineux qu’un lit à clous – ayant négligé de passer son diplôme de fakir, la jeunesse fleurie flaire le tétanos. Et prend la fuite. Pourtant, I’m Waiting For The Man dispute au Mystery Train d’Elvis le titre de chanson sur rails (d’héroïne, ici) la plus importante de l’histoire du rock : quand Lou Reed monte jusqu’à la 125e rue de Manhattan pour s’y fournir en dope, il jumelle pour la première fois deux sortes de ghettos, ceux des quartiers noirs et ceux que ses personnages insalubres portent en eux-mêmes. Car avec le premier album du Velvet Underground, la dépendance (à la drogue), l’asservissement (au fouet) et la paranoïa (Sunday Morning) font leur coming out – en onze chansons malades, le rock moderne est né.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Quarante ans après la sortie de l’album à la banane, un DVD mêlant interviews, analyses critiques et images inédites revient sur la vénéneuse épopée du Velvet. Défilent ainsi les témoignages de Moe Tucker (la garçonne qui jouait de la batterie debout), de Doug Yule (le garçon qui chantait sans trop les comprendre les textes de Lou Reed) et de Billy Name (l’acolyte de Warhol qui, pour la pochette de White Light/White Heat, photographia la tête de mort tatouée sur le biceps d’un giton de Times Square). Si un désolant paradoxe veut qu’un groupe entouré de cinéastes ait été très peu filmé, un show de l’Exploding Plastic Inevitable rend leur jeunesse aux stars sexy et cinglées (aux deux sens du terme, tant les cravaches rodent) de la Factory (Gerard Malanga, Edie Sedgwick, Mary Woronov) tandis qu’une précieuse séquence permet d’enfin mettre des images sur les premières répétitions du Velvet. On y assiste en 66 à un face à face entre un John Cale à tête de nobliau normand et un Lou Reed auquel ses lunettes noires font un regard d’insecte mutant. Entre ces deux adeptes du terrorisme poétique et sonique, le courant passe trop intensément pour que leur collaboration s’éternise, mais leur brouille laissera dans le rock new-yorkais un trou aussi béant que celui qu’occasionnera l’effondrement du World Trade Center – dont on se demande juste ce qu’il vient faire dans la séquence d’ouverture d’un documentaire consacré à un groupe dissous six ans avant sa construction…
{"type":"Banniere-Basse"}