Durant son tour du monde qui durera un an, l’équipe d’un Monde à Penser nous livrera ses impressions via des reportages sur des artistes de chaque pays qu’elle visite.
Aujourd’hui, rencontre au Brésil avec la chanteuse Adyel Santos.
Adyel est une grande femme noire et belle. Sur la scène du piano-bar de l’hôtel Continental à Sao Paulo, elle chante avec sa voix triste des airs composés par le guitariste qui l’accompagne ce soir et la soutient depuis dix ans : Renato Consorte (compositeur et arrangeur).
Elle chante de la bossa-nova mais préfère le jazz. Elle joue du piano depuis l’âge de cinq ans, mais préfère le cinéma. Diplômée du conservatoire de musique de Sao Paulo, elle se lance dans le journalisme, mais se fait à nouveau rattraper par la musique. Elle chante pour Buddy Guy, Michel Legrand, Billy Eckstine
Soudain lasse, elle écoute les conseils de ses amis et les supplications de ses admirateurs, et sort aujourd’hui un CD qui porte son nom : Adyel Santos. Décidée à assumer son talent, elle l’a produit entièrement et a vérifié jusqu’au moindre détail, jusqu’à la moindre note. Elle en est fière comme d’un enfant.
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UMAP : Comment t est venue l’idée de produire ton propre album ?
Adyel : J’ai fait de la musique toute ma vie sans jamais prendre de recul par rapport à ce que je voulais faire, au souvenir que je voulais laisser en tant que musicienne. En 1996, je me suis inconsciemment éloignée de la chanson : j’ai voyagé en Equateur, au Pérou et au Chili et je gagnais ma vie en tant qu’actrice de pub. Puis j’ai réalisé que beaucoup de choses se passaient sans moi dans le monde de la musique. Mon ami Renato Consorte m a dit qu’il ne me parlerait plus tant que je ne ferais pas de CD, et c’est ce qu’il a fait. Pendant un an, nous ne sommes plus adressé la parole. De son côté, il a produit deux albums. Finalement, avec l’argent que j’avais gagné grâce aux publicités, je me suis décidé à produire mon CD.
UMAP : Quelle relation te lie à Renato Consorte ?
C’est mon ami de toujours, et en même temps mon mentor ! Lorsque nous jouons ensemble des gigs, nos regards se croisent et une sorte de complicité s’installe. C’est encore plus frappant lors des duos : nos improvisations se complètent. Le jour où j’ai décidé de faire mon album, il a commencé à écrire des arrangements sur les chansons que je choisissais. Il ne m a jamais permis de ne pas être là, même pour le travail de mixage avec les ordinateurs, auxquels je n’ai jamais rien compris. Grâce à lui, j’ai appris le métier de producteur. A la fin, c’est moi qui décidais tout, parce que j’en étais capable.
UMAP : Que représente la musique pour toi ?
Premièrement la liberté. Plus précisément, le mot « jazz » pour moi est la traduction exacte du mot « freedom ». Mais le rôle que je joue, celui de chanteuse, est très particulier. Je connais peu la musique française, mais une phrase de l’Affaire Louis Trio me semble très juste : « La vengeance du chanteur est qu’il chante plus qu’il ne pleure. » Autrement dit, je ne pleure pas, je chante. Et si je suis contente, la musique l’est aussi. En ce sens, la chanson est presque une thérapie : si je n’avais pas un public pour écouter ce que j’ai à dire, je deviendrais folle.
UMAP : Parle-moi de ton disque
Ce CD (elle le prend et soupire), m a coûté quatre fois plus que ce que j’avais prévu, au sens strict du terme (rires). Mais chaque titre a pour moi une signification, autant dans les paroles que dans les arrangements. Chaque titre a une histoire. En le faisant, j’ai compris une chose : dans la vie, tout n’existe que dans l’instant ; cinq minutes après, c’est du passé. J’ai passé toute ma vie à chanter, j’étais applaudie et je me sentais très bien. Mais en réalité, j’étais comme sur un nuage. Avec ce CD, je laisse enfin une trace, j’assume mon rôle de musicienne dans l’histoire de la musique. Et je compte bien y rentrer par la grande porte. C’est pour cela que j’ai donné mon nom à l’album.
Propos recueillis par Jean Nemo
Pour en savoir plus sur le tour du monde de l’équipe d’Un Monde à Penser :
Un Monde à Penser
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