Quand un disquaire Californien réuni sous sa bannière une vingtaine de labels indépendants pour contrer l’avancée et l’imposture d’un géant de l’e-commerce : le derby classique entre la grande corporation aux objectifs financiers contre la poche de résistance de la musique indie.
Amazon a récemment célébré le nouveau design de sa plateforme de vente de vinyles. Pour l’occasion, la grande enseigne de l’e-commerce organise pendant treize jours des « dons » d’albums, littéralement, notamment Sticky Fingers des Rolling Stones et le best-of des Grateful Dead.
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Quand succès commercial rime avec feu d’alarme
Une opération qui n’est pas du goût de tout le monde au sein de l’industrie musicale. Un disquaire indépendant de Los Angeles a en effet débuté une campagne pour contrecarrer les perspectives d’Amazon en s’alliant avec plusieurs labels indépendants de renom.
Help us shift the focus from mass retailers to independent shops! Please read more here: https://t.co/0hyC8nUnso #shopindie
— Origami Vinyl (@OrigamiVinyl) 30 Octobre 2015
Lundi 2 novembre, le fondateur et propriétaire du magasin Origami Vinyl à Los Angeles a lancé le mouvement avec le hashtag #ShopIndie: Neil Schield demande aux différents labels de lui envoyer gratuitement les vinyles des artistes signés chez eux. Pour les offrir à ses consommateurs. Comme Amazon. Les maisons de disques indépendantes ont répondu à l’appel, notamment Captured Tracks (Mac DeMarco, DIIV, Wild Nothing, The Soft Moon), Saddle Creek (Bright Eyes, Cursive, The Faint) , Constellation (Godspeed You ! Black Emperor, Tindersticks), Wichita (Cheatahs, Oscar, Waxahatchee) ou encore Jagjaguwar (Bon Iver, Dinosaur Jr., Viet Cong) et d’autres qui se sont empressés de fournir des cartons de disques au Californien.
Billboard ignored us but we’re super proud to be part of what @OrigamiVinyl is doing here –https://t.co/tTGd3ttGL7
— wichitarecs (@wichitarecs) 2 Novembre 2015
Plaider la cause de la mélomanie
Dans une publication sur son blog, le patron d’Origami Vinyl s’exprime à propos de son engagement pour le commerce de proximité. Contrer le géant de l’e-commerce parait bien difficile, explique-t-il, mais le but de l’opération relève plus de la communication que du marketing:
« Pour Amazon, vos 20 dollars sont du menus fretins. Pour nous autres disquaires, vos 20 dollars vont nous permettre de faire l’acquisition de deux autres merveilleux albums que nous pourrons vous présenter. […] Nous sommes là pour vous partager la musique que nous aimons et pour défendre la scène locale. »
Schield explique par ailleurs qu’il comprend l’engouement pour l’achat du support physique en ligne. Il raconte lui-même être un membre premium de la plateforme, mais espère que cette initiative va alerter les consommateurs sur le place des disquaires. Qu’ils ne s’agit pas uniquement d’endroits où acheter des choses mais bel et bien des espaces de découvertes et de rencontres entre fans de musique.
Disquaire, un métier engagé
« Le coeur et l’âme de notre métier et pourquoi les disquaires sont importants tient dans le simple fait que nous sommes tous des centres communautaires. »
Neil Schield annonce donc plusieurs partenariats avec une vingtaine de labels indépendants, qui comptent tous également sur Amazon pour engendrer des revenus, précise le Californien. Comme il le raconte à Billboard, son action pourrait s’étaler sur un peu plus d’un mois, au contraire de la campagne d’Amazon censée durer treize jours.
Quant à la question plus importante du repositionnement et du re-targeting (reciblage publicitaire après avoir fidélisé un client sur un produit donné, NDLR) d’ Amazon, le disquaire déclare que ce n’est pas improbable mais que cela parait bizarre :
« Comme si la vente de papier toilette de leur suffisait pas, les voilà arrivés sur des marchés de niches… […] Il me parait intéressant toutefois de voir qu’ils créent un nouvel espace organisé pour ensuite faire croire au mensonge qu’il s’agit du meilleur endroit pour acheter des vinyles. Tout ce qui m’importe, c’est de lever le drapeau de la vente au détail et de l’agiter pour faire remarquer à quel point les disquaires indépendants sont importants. »
Un marché équilibré
En 2014, une étude menée par Billboard couronnait Amazon comme étant le plus grand revendeur de vinyles sur le continent américain avec 12,3% des parts de marché. Pour cette année-là, les chiffres se montraient particulièrement positifs : numérique et physique se hissaient au même niveau en termes de revenus (voir capture d’écran plus haut).
Selon Yahoo Finances, 8 millions de vinyles ont été vendus en 2014, soit une augmentation de 49% du marché. Le Wall Street Journal relayait à l’époque une shortlist éditée par Billboard des albums les plus vendus. AM des Arctic Monkeys et Lazaretto de Jack White relançaient à eux seuls, ou presque, une industrie perçue en crise par le grand public.
Le Digital Music Report de l’IFPI (Fédération Internationale de l’Industrie Phonographique) confirme la tendance: en se maintenant à 46% des parts de marché, le support physique (vinyle, CD et cassette) égale le numérique (téléchargement légal, streaming). Certains marchés prédominent, majoritairement en Europe (Autriche, France, Allemagne, Pologne) suivis de près par l’Afrique et le Japon qui a toujours été très attaché au physique. Aujourd’hui, le vinyle est devenu pour les grands revendeurs et grandes majors le nouvel or noir de l’industrie musicale, alors qu’un autre marché – le streaming – est saturé d’offres.
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