Avec Un autre Blanc, le Malien Salif Keita signe son ultime disque. Il convie Angélique Kidjo, Alpha Blondy, MHD et d’autres pour un festival afro-pop.
“Un disque, c’est comme un enfant. On se fiche qu’il soit beau ou pas. L’important, c’est d’avoir fait ce qu’on voulait faire (…). C’est le fruit de l’amour. Et l’amour, partout, perce plus fort que les balles d’un fusil.” Ainsi parle le poète et prophète du Mali, militant et guerrier à la voix d’or, Salif Keita. Pour son nouveau disque, cette citation désormais célèbre de l’un des symboles de la musique africaine résonne de façon particulière. Un autre Blanc – un titre qui rappelle son statut d’Africain albinos – sera son dernier. Le grand Salif tire sa révérence.
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Après ces dix dernières pistes, l’homme, issu de la caste des nobles, lointain héritier de Soundiata Keita, roi fondateur de l’empire mandingue, quittera le monde de la musique, du moins en tant qu’acteur principal. Seules quelques collaborations viendront ponctuer une retraite bien méritée. Alors, forcément, cet album, au demeurant de facture classique, s’imprègne d’une émotion tangible.
Une sortie accompagnée par ses proches
Comme lors d’un pot de départ, Salif Keita, 69 ans, s’entoure de ses amis chers, ses proches : Paco Séry à la batterie, Alune Wade à la basse, les guitaristes Hervé Samb et Ousmane Kouyaté, mais aussi son complice de toujours, Cheick Tidiane Seck, aux claviers…A la fête, il invite surtout des héros de la musique africaine, des pionniers qui, comme lui, ont placé sur la carte de la sono mondiale, dans les années 1980, les sons de leur continent : sa sœur d’armes, la Béninoise Angélique Kidjo sur Itarafo, et l’icône du reggae ivoirien, son vieux compère Alpha Blondy, sur Mansa Fo La.
Une palette de collaborations
Comme à son habitude, Salif Keita fait vibrer tout l’éventail des couleurs panafricaines. Sur Diawara Fa, il unit sa voix à celle de la jeune égérie pop nigériane, Yemi Alade. Sur Gnamale, il reprend des chants de chasseurs avec la mythique chorale sud-africaine Ladysmith Black Mambazo, témoin aux premières loges de l’histoire politique du pays de l’apartheid. Enfin, il laisse une place de choix, sur Itarafo, à l’afro-trap contagieux de la nouvelle coqueluche du rap français : le jeune MHD. “J’en suis fan !”, confesse-t-il.
Les chants d’un au revoir
Car voici la force de Keita. Dès ses débuts au sein du groupe Les Ambassadeurs, celui qui reçut le don d’illuminer le monde à la magie de son chant, ouvrit ses oreilles et sa musique aux quatre vents. Loin de rester cantonné aux seules frontières de sa tradition, il confronta systématiquement l’art hérité de ses ancêtres aux musiques et aux sons du monde, ajoutant, sur des racines et un tronc solide, des feuilles multicolores.
Ce disque, Un autre Blanc, se situe dans cette lignée. Au sein de musiques charnues, sa voix résonne comme au premier jour, à peine voilée, aussi puissante et claire que fragile et précieuse, surfant sur toutes les nuances de la sensibilité humaine. Assurément, Salif va nous manquer. Mais, comme il l’explique, non sans humour, “dans un sac de piment, il reste toujours suffisamment d’épices pour faire éternuer quelqu’un.” Autrement dit, il réapparaîtra dans le paysage, au gré de collaborations ponctuelles. Bonne nouvelle route, M. Keita !
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