Le Boss passait par Paris pour présenter Wrecking Ball, à la presse européenne : un nouvel album politique aux accents bibliques
L’opération Springsteen en zone Euro a commencé sur un air de préparatifs secrets pour envahir l’Iran. Une centaine de journalistes des vingt-sept coins de l’Europe avaient rendez-vous au siège de Sony Music Paris, pour enfiler un bracelet témoin et monter dans des autocars pour une destination inconnue : en l’occurrence, le théâtre Marigny, en face de l’Elysée.
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A l’entrée, prière de laisser ses affaires au vestiaire, enregistreurs inclus. Pourtant, on ne venait pas espionner Sarkozy mais écouter le nouveau Bruce Springsteen : parano de management à l’américaine un peu dérisoire à l’heure d’internet. Bref, Wrecking ball, c’est comment ? Intéressant, avec du bon, du moins bon, impressions à chaud qui s’affineront au fil des écoutes. Le Boss a tenté de mélanger influences américaines très anciennes (folk, gospel, choeurs…) et arrangements modernistes (rythmes hip hop, bouts d’enregistrements sonores…) de façon parfois très inspirée même si on aimerait souvent passer les menottes à son batteur qui cogne comme un sourd.
« Le rock et la colère vont souvent bien ensemble »
Ce brassage historique de toutes les musiques américaines est synchrone avec des textes qui mesurent avec colère l’écart entre le rêve américain originel et sa réalité. Usant à plusieurs reprises de métaphores bibliques pour symboliser la résistance et l’espoir des peuples face à la crise actuelle, Springsteen émaille ses chansons de couplets acerbes contre les banquiers, les chercheurs d’argent facile, ou la proverbiale cavalerie qui est cette fois aux abonnés absents. Vers la fin de l’album, avec Land of hope and dreams ou We are all alive, le Boss se fait prêcheur populaire, invoquant les mannes baptistes-soul de Curtis Mayfield et l’esprit immortel des victimes de l’histoire américaine.
Invité à monter sur scène par Antoine de Caunes pour commenter son travail, un Springsteen très affûté a expliqué que « le rock et la colère vont souvent bien ensemble. Une terrible crise financière sévit depuis quatre ans et personne n’est responsable, puni, mis en prison. Aux Etats-Unis, il n’y avait aucun mouvement pour protester contre ce gigantesque hold-up de la finance. J’ai écrit la chanson We take care of our own en 2009 pour dire qu’on devrait s’occuper plus de nous mais qu’on ne le fait pas« .
De ce point de vue, Springsteen se félicite de l’apparition du mouvement Occupy Wall Street, qui a enfin réintroduit le débat politique dans son pays. Le chanteur défend d’ailleurs le bilan d’Obama même s’il l’aurait souhaité plus incisif. Il ne chantera pas pour lui pendant la prochaine campagne pour ne pas devenir un « performeur électoral ».
Springsteen rappelle au passage que son engagement n’est pas intellectuel mais vient de sa famille :
« Le positionnement politique est lié à la psychologie de chacun qui est elle-même liée à l’enfance. Ma mère a bossé dur, mon père a souvent été au chômage ce qui l’a rendu très aigri. Le chômage désoriente, le travail structure, vous donne un but, une place dans la société. Ma colère vient de la situation de mon père, des conditions sociales de ma famille ».
Le vieux rocker est également revenu sur la disparition de son partenaire Clarence Clemmons : « Je l’ai connu à 22 ans, nous étions quasiment encore gamins. Notre amitié était chimique. Il m’a inspiré, m’a donné envie d’écrire des chansons. Perdre Clarence, c’est comme perdre la pluie ou l’air. Il faudrait un village entier pour le remplacer sur scène ! Nous aurons une section de cuivres, et son propre neveu au sax. A force de remplacer les membres du E Street band qui disparaissent, il va falloir que je pense moi aussi à me trouver bientôt un remplaçant ! ».
Serge Kaganski
Wrecking ball sortira le 5 mars, Springsteen jouera à Montpellier le 19 juin et à Paris Bercy les 4 et 5 juillet
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