Parfaitement entourée sur un premier album éclatant, la jeune Française Swann promet des lendemains qui chantent. Critique et écoute.
Son auteur a beau porter le nom d’un héros proustien, il ne sera pas question, sur Neverending, de temps perdu. Le premier album de Swann se révèle au contraire une belle victoire sur le temps qui passe, ou le triomphe d’un songwriting éminent plus souvent aperçu outre-Manche qu’en France.
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A 24 ans, la Parisienne Chloé Lenique – son vrai nom – marche dans les pas des grandes chanteuses folk-rock, enroulant sur un fil d’or des ballades hantées par un certain sens de la mélancolie. “Mes parents écoutaient de la musique classique, mais aussi Leonard Cohen, Simon & Garfunkel, Lou Reed, le Velvet Underground et les Rolling Stones. J’ai été nourrie par toutes ces influences.” Dans la voiture familiale, lors de vacances au ski, on écoute même les chansons de Frank Zappa, et des années plus tard, la demoiselle choisira de revisiter son Bobby Brown en face B de son premier ep.
Choix audacieux, pour une jeune fille courageuse. En stage à Londres dans le cadre de ses études de communication, elle a ainsi téléphoné à tout ce que la capitale anglaise compte de bars pour proposer ses services de musicienne. Se produisant dans les pubs de l’East End et de Soho, la Française a peaufiné sur scène les chansons que déroule aujourd’hui un premier album enregistré sous la houlette de Rob Ellis (Anna Calvi, PJ Harvey, Fredrika Stahl…). “J’aimais le fait que Rob sévisse dans un registre rock tout en ayant un grand intérêt pour la musique classique. J’aimais aussi qu’il travaille avec des femmes.”
Partie dans un studio du pays de Galles, la jeune femme a agencé autour d’elle un casting de qualité : on entend sur Neverending le musicien anglais Stephen Munson ou le guitariste de Holden (Mocke Depret). Elle a également convié, sur deux chansons, l’ancien Coral Bill Ryder-Jones, venu apporter une douceur supplémentaire aux déjà suaves Poem #1 et Love You Tonite.
Dirigée par Ellis, cette belle équipe a façonné un recueil à l’ancienne, en live, enregistré sur bandes, en analogique. “Ça s’ajoutait au choix des instruments. Ces méthodes sont pour moi gage d’authenticité. J’avais envie que ces chansons puissent s’écouter dans dix ou trente ans, qu’elles ne soient pas imprégnées de notre époque.”
Opération réussie puisque ce premier album place la Française en reine d’une époque imaginaire où l’on croiserait Patti Smith chantant chez Lou Doillon, Lou Reed et Nico s’acoquinant avec une VV des Kills apaisée. “Ça ne rime pas”, dit le titre du morceau inaugural (It Don’t Ryme). Swann parvient pourtant à agencer une poésie folk à la fois impressionnante par sa maturité et touchante dans sa délicatesse. Tour à tour rageuse (Show Me Your Love), songeuse (Loneliness) ou velvetienne (Trying Hard to Find Myself Again), elle porte, de son timbre grave puissant et caressant, de grandes petites chansons.
Erudite, son écriture n’en fait pourtant jamais trop et ne perd jamais de son charme. “J’ai voulu appréhender l’enregistrement du disque comme une ascension de montagne, je me suis remise au sport avant de rejoindre le studio. Finalement, ça ne s’est pas du tout passé comme ça et j’en suis ravie. J’étais très à fleur de peau pendant l’enregistrement, c’était bouleversant pour moi d’accoucher de ces chansons. Je suis heureuse que le disque ait une certaine fragilité au final.” Comme chez toutes les grandes, cette fragilité est une force, et ce premier disque en est un tour.
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