Trio sans terroir mais pas sans influences, All We Are frotte le disco au psychédélisme, le hip-hop à la pop sur un album riche, variable et bourré de tubes. Critique et écoute.
Imaginons une écoute en aveugle. Imaginons ce disque sans nom ni titre, sans informations ni cases préremplies, sans hype, sans interview, sans page Facebook. Imaginons son écoute libre de tout a priori, comme préconisée par l’un de ses créateurs : “Comme une vague qui prendrait l’auditeur et l’emmènerait où elle veut, en le secouant un peu en tous sens. On ne sait pas exactement ce qui va se passer, mais au final on se retrouve quand même près du rivage, sain et sauf : il faut se laisser faire.”
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Sans les repères habituels, un peu perdu, on se poserait beaucoup de questions. D’où vient ce groupe, d’où vient ce son, cette pop au groove mutant, ce disco dingo, ces tubes à géométrie et sensualité variables ? Ont-ils poussé sur une colline californienne ou à Philadelphie, à Melbourne ou à Quimper, dans le béton ou sur le sable, dans le chaud ou le froid, dans les paillettes 70’s, les psychotropes 60’s ou les circuits imprimés du troisième millénaire ? Sans savoir, impossible de répondre, et pour cause.
Ce disque se nomme All We Are. Il est le premier album du trio du même nom et, s’il a fini par planter ses racines dans le sol fertile du Liverpool contemporain, All We Are est un groupe à terroirs multiples. Ses trois membres, amis pour la vie depuis leur passage par le Liverpool Institute for Performing Arts, art school cofondée par Sir Paul McCartney, sont d’origine norvégienne, brésilienne et irlandaise. A la question des influences, ils citent en rafale, sans ordre ni hiérarchie, Frank Ocean et Arcade Fire, la soul music et les Kinks, Kendrick Lamar et Franz Ferdinand, le g-funk et les Beatles, réchauffement global Trio sans terroir mais pas sans influences, All We Are frotte le disco au psychédélisme, le hip-hop à la pop sur un album riche, variable et bourré de tubes. Paul Simon et leurs interactions quotidiennes avec leurs groupes frères de la capitale du Merseyside, Circa Waves, Stealing Sheep ou Dan Croll notamment.
Comment, alors, définir un tel mélange ? Eux-mêmes le font systématiquement, à chaque interview, plus justement peut-être que ne le feront les journalistes : Guro, Luis et Rich décrivent leur musique comme du “Bee Gees sous diazépam”.
“Nos chansons ont une sorte de groove, un groove disco, mais c’est un disco un peu traînant, fainéant, drogué. On décrit aussi notre musique comme du ‘boogie psychédélique’ pour les mêmes raisons : ce mélange d’atmosphères, dansante d’un côté, plus cérébrale et tordue de l’autre.”
Noyer des langueurs des benzodiazépines dans le pétillant du champagne : un cocktail fortement déconseillé par la médecine mais très recommandé en musique.
Annoncé par une poignée d’excitants singles l’an dernier, produit par Dan Carey (Hot Chip, Kate Tempest, Nick Mulvey…), le riche et variable All We Are s’entend avec plaisir, les bras levés au ciel et lové dans la foule, autant qu’il s’écoute avec passion, le corps au repos mais les neurones en alerte. L’épique Ebb/Flow, le trip-hop rénové de la mousseuse Stone, les tubes discoïdes Feel Safe ou I Wear You, la bouillante Honey, la très sonique Keep Me Alive, les belles Go et Something about You inventent ainsi une bacchanale globale. En conviant Frank Ocean, les Scissor Sisters, Two Door Cinema Club, Pharrell Williams, les Cocteau Twins, David Lynch, Hot Chip, une electro-pop bondissante, un psychédélisme venimeux et un solide talent d’écriture à la même fête, All We Are s’assure de sa réussite tous azimuts
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