L’étuve des héros. Entre soul orchestrale et jungle expérimentale, ces vétérans font souffler un air de liberté sur un album vraiment double. Si on devait s’occuper des présentations, réduire à quelques lignes le parcours de Dego et Mark qui à eux seuls forment les 4 Hero relèverait de la flagrante injustice, tellement leur […]
L’étuve des héros. Entre soul orchestrale et jungle expérimentale, ces vétérans font souffler un air de liberté sur un album vraiment double.
Si on devait s’occuper des présentations, réduire à quelques lignes le parcours de Dego et Mark qui à eux seuls forment les 4 Hero relèverait de la flagrante injustice, tellement leur rôle est important dans le spectre de la musique électronique. Vétérans pour de bonnes raisons intégrité et curiosité , ces deux fortes têtes ont des oreilles qui ressemblent à des halls de gare, prêtes à emprunter n’importe quelle direction pourvu que la destination soit goûteuse et sincère. Avec Fabio et Grooverider, ils ont ainsi été partie prenante du démarrage de la jungle (quand celle-ci avait une vie souterraine) et ont déclenché des vocations celle de Goldie n’est pas la moindre. A la fois théoriciens et agitateurs du mouvement, ils ont adopté autant de personnalités qu’ils ont eu d’idées ou d’inspiration. Ces touche-à-tout de génie ont, ensemble ou séparément, visé à la fois l’ivresse des danseurs (la jungle signée Tom & Jerry), retrouvé l’esprit mélodique du début de la techno (sous le pseudonyme de Nu Era ou Jacob’s Optical Stairway), tâté du hip-hop abstrait (sous l’alias de Tek 9) et souvent essayé tout cela à la fois. Une démarche logique pour eux, qui réfutent toute chapelle et volent au-dessus des cloisons. Leur quasi-silence pendant plus de deux ans s’explique maintenant par ce Two pages incroyablement ambitieux et pas pour autant boursouflé. Rarement, dans un double album, la dualité et le contraste entre une première phase lumineuse et un verso beaucoup plus sombre n’auront été aussi évidents. Il faudra d’abord remercier Giles Peterson, le patron du label Talking Loud qui, en les accueillant, leur a permis de bénéficier d’un vrai orchestre, mêlant cordes et cuivres et, conséquemment, du temps nécessaire à tel ouvrage. Elevés au rhythm’n’blues d’Otis Redding ou d’Aretha Franklin, Dego et Mark voient donc leur rêve de gamin exaucé, sans qu’ils adoptent pourtant un comportement de nouveaux riches. En ajoutant de l’organique dans une musique qui était déjà pleine de vie, leur soul qui ne demandait qu’à prendre son essor s’envole sur Page one. Cette réussite est due à un rigoureux travail de construction et d’écriture mais aussi à des vocalistes à grain qui illuminent Starchasers, Cosmic tree ou Golden age of life, irrésistibles chants naïfs et innocents, entraînants et beaux comme du Curtis Mayfield. Il sera donc difficile de tourner cette première page pour aborder la suite, plus intellectuelle et froide. Signe qu’ils appartiennent toujours à une scène qu’ils ont lancée, Page two est un exercice périlleux pour les nerfs, où l’auditeur devient une balle de flipper, renvoyé d’une rythmique à l’autre. Concentré de drum’n’bass concassée et rongée à l’os (Dauntless), ce second volet s’avère aussi complémentaire et expérimental, comme si les 4 Hero avaient choisi d’enregistrer un disque pour la joie et un autre pour la recherche. Un pour les sens, l’autre pour la science.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}