Loin des capitales rock, au fin fond des Cévennes, Piers Faccini continue d’écrire la belle histoire d’un folk sans patrie avec Two Grains of Sand, un troisième album sublime.
Est-ce parce qu’il saisit le pinceau dès qu’il ne compose pas sa musique que Piers Faccini s’est fait dresser le portrait aussi vite ? Dès ses débuts, le songwriter a été dépeint comme le plus discret et prometteur élève d’une école de songwriting folk apatride. Sans grand tapage, mais avec deux albums classieux dressant un pont imaginaire entre le fleuve Niger d’Ali Farka Touré et les collines du Warwickshire de Nick Drake, Piers Faccini était devenu le geôlier des trésors folk dans les cœurs unis d’une presse lassée de l’americana et d’un public plus épris encore à chaque apparition scénique. Aussi, à l’heure où l’ébauche et la hâte semblent devenus les mots d’ordres d’une nouvelle génération de musiciens, on sourira de l’ironie qui, lors d’une belle rencontre, lui fit jouer les cartes de la modestie et de l’amateurisme.
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Culotté pour un type qu’on n’a jamais cessé de voir comme un orfèvre minutieux et patient de la musique. “Je ne suis pas un technicien, pas un professionnel…. Chez moi, j’ai un tas d’instruments de musique que je maîtrise très mal mais que je joue quand même. Le truc, c’est que ça m’intéresse beaucoup de me mettre sur tous les plans, je suis un curieux. Souvent d’ailleurs, je fais réenregistrer certaines parties par des professionnels : techniquement c’est mieux, mais globalement c’est moins bien, car tu perds le truc un peu sale, un peu bâtard…. Tout devient alors trop clean, trop pur, trop joli. De mon côté, je vois la musique comme les beaux visages : ce ne sont pas les traits parfaits, mais l’imperfection qui créé la beauté.”
Si le troisième album de Piers Faccini était un visage de femme, il serait la figure d’une Madone peinte par Le Caravage : Two Grains of Sand mérite tous les louanges du monde et réussira certainement à réconcilier les vieux amoureux du chanteur avec ceux qui avaient jusqu’alors trouvé son élégance un tantinet froide. Est-ce parce qu’après une série d’allers-retours entre la France et l’Angleterre, il a finalement élu domicile loin des villes et des civilisations, au fin fond des Cévennes, que les Dieux lui sont tombés sur la tête ? Il faut en tous cas avoir approché les cieux pour composer The Wind That Blows, A Home Away from Home ou Save A Place For Me, trois des plus belles ballades folk entendues cette année, mises en lumière par le producteur Renaud Letang.
“Il n’y a jamais eu trop d’habitants dans les Cévennes. Historiquement, c’est là que les protestants s’étaient réfugiés. Puis au siècle dernier, les soixante-huitards s’y sont installés, y ont fait des enfants. Il y a également eu pas mal de gens fuyant Franco. Du coup, c’est une terre qui accueille très bien les étrangers, avec une vraie culture d’exilés. Et puis il y a une beauté sauvage extraordinaire. Je suis très attiré par les paysages désertiques, vastes, vides, entre plaines et montagnes. On y trouve aussi une très belle lumière.”
Mêlant la grâce du songwriting folk anglais, les sonorités chaudes de la culture mandingue et la franchise du country-blues du Mississippi, ce Two Grains of Sand n’affiche qu’un défaut, celui de mal porter son nom : il contient assez de pépites pour remplir toutes les plus belles plages du monde, des îles Grenadine à Zanzibar, de Mayotte à Ipanema.
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