Manchester desunited. Johnny Marr et Barney Sumner n’ont pas encore divorcé mais font chambre à part. Triste fin d’un amour d’été. Un peu bêtement, on a toujours trop attendu d’Electronic. Victimes de vieux fantasmes, trompés par une nostalgie souterraine, on voyait dans cette union du chanteur de New Order (Bernard Sumner) et du guitariste des […]
Manchester desunited. Johnny Marr et Barney Sumner n’ont pas encore divorcé mais font chambre à part. Triste fin d’un amour d’été.
Un peu bêtement, on a toujours trop attendu d’Electronic. Victimes de vieux fantasmes, trompés par une nostalgie souterraine, on voyait dans cette union du chanteur de New Order (Bernard Sumner) et du guitariste des Smiths (Johnny Marr) avec le Pet Shop Boy Neil Tennant comme témoin le mariage de la décennie, la meilleure équipe possible pour réaliser le casse mélodique du siècle. Pensez donc, le Cagliostro de l’arpège en cheville avec un visionnaire de l’électronique, ça t’avait une de ces gueules. En fait, cette doublette de surdoués n’aura consommé son union que la première nuit, le temps d’un album et d’un single (le premier), Getting the way with it. Et encore, on se demande ce que foutait Johnny Marr sur ce titre, préposé aux claviers aussi à l’aise qu’un canari dans une bassine d’eau froide. Electronic aurait dû en rester là, laisser en suspens la chimère du Graal pop, éviter de se couvrir de ridicule en écrivant un deuxième album de chansons incertaines le derche coincé entre un absolu de la pop à guitares et une vague quête de la quintessence électronique. Eux-mêmes ont dû réfléchir longuement à l’opportunité de continuer l’aventure : comment expliquer, sinon, les trois années de tergiversations nécessaires à l’écriture d’un troisième album perpétuellement repoussé ?
Twisted tenderness a tous les atours du coup de poker, du baroud final, une ultime tentative de fusion où chacun devait oublier son maniérisme esthétique. L’illusion fonctionne à peine durant les deux premières minutes du Make it happen (titre éminemment symbolique) d’ouverture, quand Johnny Marr rebranche les wah-wah et que Barney atteint le maximum autorisé par ses cordes vocales sur la trame techno. Dès le premier refrain, ces belles intentions commencent déjà à ratatouiller sévère : les mélodies se perdent dans l’impasse et le son prend rapidement l’odeur faisandée d’une vieille tambouille electro-rock tout droit venue des disques de Jesus Jones ou d’un Prodigy grippé. La rage au ventre, on assiste dès lors au triste spectacle d’un naufrage, un enlisement mélodique et sonore consciencieux où chacun essaie de sauver l’affaire, en soliste : Barney, en tenant sa voix dans le meilleur pré carré, et Johnny Marr, en entrant dans un pathétique numéro de costaud du manche (on croirait qu’il mène un duel à distance avec John Squire, dans sa version virtuose des Seahorses) ou en refaisant le coup de l’harmonica (si brillant sur The Beat generation de The The) sur un Vivid boursouflé comme un lendemain de cuite. Plusieurs fois, ce disque aurait dû rebondir, retrouver la voie royale, sur Breakdown, Twisted tenderness ou Flicker ; à chaque fois, il butera sur l’incapacité des deux fils prodigues de Manchester à échafauder un plan de bataille, à se perdre dans des chansons interchangeables où personne ne tient le gouvernail mélodique, s’obstinant à ignorer le format court et le volume. La prochaine fois, s’il y en a une, la sagesse et la trouille de l’abattement moral nous interdiront de prêter attention à toute nouvelle tentative de ce groupe d’un été, né et mort avec les années 80.
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