La mort d’un de ses membres a failli faire taire à jamais TV On The Radio. Les chercheurs fous reviennent pourtant avec un album pop et bourré de tubes, élan vital formidable rappelant à quel point ce groupe reste essentiel. Rencontre, critique et écoute.
Plier sans rompre
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Le printemps 2011 a eu une saveur étrange pour TV On The Radio. Depuis leurs premiers morceaux, depuis leur premier album Desperate Youth, Blood Thirsty Babes, increvable chef-d’oeuvre paru en 2004, les brillants Américains avaient presque tout exploré, dans un feu d’artifice phénoménal, l’un des plus marquants de l’ère actuelle : l’espace, le rock, la rage, le jazz, les circuits imprimés, le magma, la soul, les étoiles, le gospel, l’électronique. Mais ils allaient, dans le courant chamboulé de ce mois d’avril 2011, découvrir la face la plus noire du plaisir : huit jours après la parution de leur excellent quatrième album, Nine Types of Light, TV On The Radio annonçait la mort de l’un de ses membres, le bassiste Gerard Smith.
“Ce n’est pas quelque chose dont on veut parler publiquement, ce n’est pas une histoire qui a sa place dans un magazine”, explique, ferme, David Sitek quand on l’interroge sur le décès de son frère. Le chanteur atomique et élastique du groupe, Tunde Adebimpe, est un peu plus clair dans le communiqué de presse accompagnant le nouvel album, Seeds : le groupe a bien failli y laisser sa peau. Pourtant, si TV On The Radio a plié, il n’a pas rompu.
“Nous sommes une famille, une fratrie, dit David Sitek. Et je sais qu’elle sera toujours là. Ce groupe est l’espace où mes opinions peuvent le mieux s’exprimer, où elles s’articulent le mieux, le plus librement, avec celles des autres membres. TV On The Radio est l’endroit où on peut écrire absolument n’importe quel type de chanson. Pas d’obligation, pas de prise de tête. Nous fonctionnons tous très bien ensemble, de manière assez instinctive. Avec nos projets parallèles, avec le temps, chacun des membres du groupe évolue dans son propre monde, son propre espace. Mais vient toujours un moment où on a tous l’impression d’avoir laissé quelque chose en plan, et on y revient à chaque fois : cette chose est TV On The Radio.”
TV On The Radio, cette chose en chantier permanent, est finalement revenu. Comme prévu, et parce qu’il lui restait encore beaucoup de galaxies à explorer, le groupe s’est d’abord replongé dans sa chère science dans des conditions particulières : sans label, en retrouvant sa pleine liberté originelle, en ne cherchant initialement qu’à renouer avec le simple plaisir d’inventer ensemble. Au débotté, plutôt discrètement, le groupe a ainsi publié les excellents singles Mercy et Million Miles en 2013 sur Federal Prism, label que David Sitek a eu le temps de créer entre deux des productions pour lesquelles il reste très demandé (Yeah Yeah Yeahs, Kelis, Oh Land, Beady Eye…).
“L’idée était juste de se retrouver, de jouer en se foutant de ce qui allait sortir, de chercher une nouvelle manière de faire les choses. Ces deux chansons nous sont venues assez vite. On était dans le moment, on ne pensait pas encore plus loin. Tunde est arrivé dans le processus un peu plus tôt que les autres garçons, il vit désormais à L.A. et a passé pas mal de temps chez moi. On a commencé à deux, de la même manière qu’on avait travaillé sur nos toutes premières chansons. Le sentiment était un peu le même. Puis on a continué tous ensemble, jusqu’à avoir plus de cinquante morceaux : on pouvait alors penser à un album.”
Une spontanéité pop plus prononcée que jamais
Ce n’est sans doute pas un hasard si ce cinquième album se nomme Seeds. “Des graines” en français : un beau symbole de renaissance, de vie, de croissances à venir. Le groupe y conjure ainsi ses démons par un élan vital formidable, dans une spontanéité pop plus prononcée que jamais. “On a toujours essayé un peu tous les formats de chansons et un peu tous les formats de sons… Seeds est plus direct, plus basé sur le songwriting, le storytelling, la narration y tient un rôle plus important que sur les disques précédents.”
Et s’il ne tourne jamais le dos à l’expérimentation sonique et aux mélanges savants qui font le génie des Américains, Seeds est effectivement l’album le plus immédiatement appréciable de l’histoire du groupe. A l’image du gospel magnifique de l’ouverture Quartz, de l’électronique sensuelle (et légèrement francophone) de Careful You, des tubes en platine massif que sont Could You ou la ravageuse Happy Idiot, de la langoureuse et romantique Test Pilot, du rush rock dément de Lazerray ou des très belles Trouble ou Seeds : autant de morceaux, explosions multicolores effaçant les douleurs passées, qui consolident la place de TV On The Radio au panthéon moderne des groupes majeurs.
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