Noisy et radieuse, de la pop magnifiquement incompétente venue d’Ecosse.
Quand Ride embarqua récemment les Ecossaises de Tuff Love en première partie, le choix semblait parfaitement logique. Voici deux groupes pratiquant un shoegazing onirique, noyant leurs mélodies tournantes dans des échos de cathédrale, rebondissant contre un mur du son caoutchouteux, sans angles, sans la moindre dureté. De la pop jouée aux limites du vacarme, du larsen, du bruit blanc, mais tout en douceur, en langueur.
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La logique était sonique, mais pas visuelle : on pense même que Julie et Suse, les deux âmes espiègles de Tuff Love, n’étaient même pas nées à l’époque où Vapor Trail de Ride triomphait dans ce qu’on appelait alors les charts indie – des mots que l’on ne trouve plus que chez les antiquaires. Pour tout dire, les filles de Tuff Love pourraient être celles de Lush et Ride, deux des leaders de la guitare surmenée d’alors.
Par contre, la tradition dont elles sont issues est largement plus ancienne que Ride. Elle est écossaise et remonte à des groupuscules dont les femmes avaient retroussé leurs manches, histoire de caresser au papier de verre des guitares qui en gémissaient d’extase. On pense aux très influentes – même si trop méconnues – Strawberry Switchblade, aux Shop Assistants, aux plus mixtes Pastels : la matrice d’un son et d’une écriture qui allaient se radicaliser sous les mines hostiles de The Jesus & Mary Chain ou My Bloody Valentine.
Mais de l’histoire, Julie, Suse et leur batteur Ian s’en moquent comme de leur premier T-shirt à rayures, que le groupe semble collectionner. Pourtant, leur musique, si simple, si directe, si outrageusement pop n’est sans doute pas le résultat d’une table rase, d’un refus intime de la prétention, la surproduction et l’entassement des pistes de studio qui transforment la pop en Bibendum, prétentieux en plus, le con. Non, elles jouent aussi candide parce que c’est tout ce qu’elles arrivent à tirer de leurs maigres alliés – une fuzzbox, des pédales qui dégueulassent le son, des voix à gorges déployées, radieuses comme un colibri le jour du soleil. Parce qu’elles sont sans doute incompétentes.
Il faut donc protéger ces chansons précieuses dans leur maigreur, leur dénuement, leur ignorance, les empêcher de fréquenter un jour les peine- à-jouir qui leur diront qu’on ne fait pas comme ça. Alors que si, les singles compilés par ce premier album le rappellent en hurlant, en crissant, en dévissant, en riant, en jouissant : c’est comme ça qu’on fait.
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