Mercredi soir, le jeune franco-Londonien Lauren Auder avait convié les rappeurs Retro X, Ril3y, Timothée Joly à sa release party parisienne.
Si vous vouliez voir à quoi ressemble la jeunesse en 2018, ou plutôt sur quoi les jeunes s’excitent à l’heure actuelle, ou plutôt de quoi demain sera fait, il fallait vraiment être au Pop-Up du Label, dans le 12e arrondissement parisien, mercredi soir. Là s’agglutinaient des 18-25 ans en joggings et bananes, comme s’il s’agissait d’une soirée 100% rap. Ça l’était un peu, mais pas totalement puisqu’il s’agissait surtout de la release party de Lauren Auder, jeune artiste franco-Londonien à l’androgynéité romantique plutôt situé du côté King Krule (en plus mystique) que Migos du game. De toute façon, il fallait laisser tomber les chapelles si vous vouliez comprendre quoi que ce soit à cette soirée hybride, où les fans de rap étaient venus soutenir leur pote Lauren, ses cheveux longs ondulés de poète perdu dans la lande anglaise et son premier ep Who’s Carry You.
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Devant des filles tout droit sorties du r’n’b des années 2000 avec pantalon moulant à carreaux, lunettes sur le bout du nez, cheveux lissés, le rappeur Ril3y présente son projet « rock » (le terme est de lui) kitschement baptisé « Blue Angell ». Un truc entre le concert de fin d’année du lycée, les larmes emo, Stéphane Eicher, la rage de l’ado qui en veut au monde entier, et le coup de génie. Ril3y a un charisme assez impressionnant et une voix rauque qui semble sur le point de se casser d’une minute à l’autre. « Tu te sens belle quand t’es avec moi » répète-t-il sur Tu Amor, son meilleur morceau en feat. avec Llanto, qui interprète des couplets en espagnol. Le tout dégouline de mièvrerie et de tendance suicidaire mais nous colle au cœur l’émotion de la sincérité la plus pure, un truc de lycéen en chagrin d’amour auquel il est dur de résister. A moins que l’on ne soit devenu complètement niais ce qui est toujours une éventualité.
Retro X est également de la partie. Changement d’ambiance avec du rap plus lourd, plus violent, une agitation tenace, une envie de sauter un peu partout. Retro X a grandement participé à inventer le rap alternatif d’aujourd’hui, gavé de ce son si particulier inspiré de la lean et/ou des médocs, dopé à l’emo, irrigué de larmes et de mélancolie, stylé des clips aux tenues vestimentaires.
Alors que la petite-salle du Pop-Up surchauffe, Lauren Auder, star de la soirée, monte sur scène pieds nus dans un ensemble chemise-pantalon blancs aériens qui nous rappelle ces pyjamas du XIXe. Lauren Auder ne cherche ni à s’adapter à l’ambiance, ni à dynamiter ses morceaux. Le concert sera d’une mysticité poétique, lui accompagnant son chant grave sorti des profondeurs de l’Humanité de gestes possédés. Il est d’une grâce rare, léger, lunaire, rêveur, comme dégagé de toute matérialité. La salle fait silence, les visages sont graves.
Une nouvelle fois, la force de ses morceaux nous atteint en plein cœur (après l’avoir vu à la Gaité Lyrique et aux Bains dans le cadre d’une Inrocks Super Pool Party). Non seulement le jeune homme mérite de décoller mais tout le monde devrait entendre au moins une fois dans sa vie son ep.
Quant à cette soirée, elle témoignait parfaitement de la génération internet, celle pour qui être « rappeur » n’exclut plus d’avoir un projet « rock », être looké « r’n’b » ne veut pas dire zapper le concert de Lauren Auder, aimer Migos ne veut pas être mainstream. Une génération curieuse, avide de transversalités et de fusions, plus pointues que N.E.R.D qui faisait pourtant déjà pareil. C’est un peu,aussi, ce qu’avait initié King Krule avec son projet rap sous le nom d’Edgar The Beatmaker. Vive Lauren !
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