En provenance de Montréal, un groupe attachant à la pop mélancolique et sombre
C’est en 2005, aux Francofolies de Montréal, qu’eut lieu notre première rencontre avec Malajube : difficile alors de tenir une conversation sans entendre prononcer ce nom étrange, pour se voir ensuite vanter les mérites du premier album du groupe, Le Compte complet. Sur scène, la découverte de Malajube fut une vraie claque. L’écoute du disque fut, honnêtement, un peu plus décevante. Celle de Trompe-l’œil, près de deux ans plus tard, est à l’inverse un authentique bonheur. Impossible depuis de se défaire des mélodies faussement hésitantes de Malajube, entre héroïsme sombre et mélancolie contenue (une marque très montréalaise, d’Arcade Fire à A Silver Mt. Zion, qui devrait encore s’affirmer bientôt avec les projets francophones Tricot Machine ou Le Husky).
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Malajube, c’est la curieuse contraction de “maladie” (le groupe est une jolie somme d’hypocondriaques) et de “jujube” (le nom au Québec d’un petit bonbon parfumé aux fruits). Soit un vrai néologisme antilogique qui, à lui seul, ouvre un vaste champ de possibles émotionnel, traversé avec une grâce inouïe par ces Montréalais regroupés autour de Julien Mineau, jeune homme aussi peu bavard qu’emblématique, leader de ce groupe devenu culte au Québec, notamment avec Montréal -40°C, enregistré avec une autre gloire locale, l’excellent Pierre Lapointe.
Chez Malajube, les textes fragiles évoquent ce précieux sens du grand écart invisible et de l’équilibre précaire – que l’on jurerait parfois emprunté à Bashung. “Bashung ? Je connais pas, sauf le clip avec la fille aux seins nus, j’aimais bien ça quand j’étais jeune… Nos textes sont simplement une succession de petites phrases qui nous plaisent sur un thème précis. Par exemple, Pâte filo, la troisième chanson du disque, parle d’une fissure anale. Toutes les phrases du texte sont liées à ce petit problème de santé”, note calmement Mineau, sans que l’on sache alors très bien s’il s’agit de lard ou de cochon. Renoncer à comprendre, se fier à une révélation purement formelle, ne pas chercher à s’y retrouver (surtout parmi les quelques noms cités pêle-mêle par Mineau : les Eagles, Gwen Stefani, Linda Lemay hi hi, ou encore Ram de Paul McCartney, “mon album préféré de tous les temps”), voilà peut-être le secret d’une écoute encore plus jouissive de Malajube.
Et c’est d’ailleurs vers cette épure, cette perte progressive de sens que semble s’orienter le groupe. “Malajube, c’est de la musique. On va mettre de moins en moins de mots dans nos chansons, les écrire avec de moins en moins de notes. Je pense que notre prochain album pourrait être entièrement instrumental. Notre but est d’arriver à écrire au moins une chanson dont on puisse être totalement fiers. Alors là, seulement, nous pourrons devenir hédonistes.” En attendant, tout le plaisir est pour nous.
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