La retraite dorée. Reformé de force, le Monochrome Set vit sur son savoir-faire, vieux cabotin encore vert et pas résigné. Tout compte fait, la séparation avait été la bonne décision. Fuir l’indifférence plutôt que de la fustiger en vain, s’esquiver avec distinction, se saborder dignement avant de vieillir mal : ultime facétie un peu […]
La retraite dorée. Reformé de force, le Monochrome Set vit sur son savoir-faire, vieux cabotin encore vert et pas résigné.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Tout compte fait, la séparation avait été la bonne décision. Fuir l’indifférence plutôt que de la fustiger en vain, s’esquiver avec distinction, se saborder dignement avant de vieillir mal : ultime facétie un peu mélancolique, un rien forcée pour se prémunir du disque de trop. Et puis laisser derrière soi quelques souvenirs fugitifs et charmants, une flammèche de fantaisie chancelante, dans la nuit profonde des années de plomb. Quelques albums (Love zombies, Eligible bachelors) comme autant d’ex-voto marqués d’une élégance mutine, à couper le souffle. Après ça, on avait vécu dans le culte naïf d’un Monochrome Set disparu pour le meilleur, préservé des contingences ordinaires par la grâce de cette finaude escapade. Isolement splendide, sommeil du juste, sentiment du devoir accompli et conscience tranquille. Il aura fallu le baiser attentionné d’admirateurs japonais aux poches bourrées de yens pour réveiller l’assoupi. Baiser de la mort. Le Monochrome Set ne s’est jamais vraiment remis de cette résurrection forcée, de cette plongée dans la triste réalité d’un rock de journaliers. On rêvait d’aristocrates fauchés mais flamboyants, de princes indiens jouant au cricket dans leur chambre d’hôtel. On se retrouvait avec des galériens enchaînant disques et tournées au même rythme que s’estompaient le mystère, la rareté, cet attrait étrange et tourneboulant d’avant le retrait. Pourtant, toujours plus délaissée, toujours plus oubliée, jamais ou presque la bande à Bid n’aura démérité. Combien de groupes aujourd’hui pourraient se targuer de l’aisance mélodique qui embrase Trinity Road, de ce cachet qui lui permet de pasticher du mauvais Ennio Morricone et de s’en tirer avec les honneurs (The April dancer affair) ? Le Monochrome Set vit sur des recettes dorées, éprouvées : en gros, la trame est velvétienne, l’esprit vient du music-hall, les guitares font du surf et la voix a été signalée du côté de Roswell. Mais toutes ses limites, tout son malheur résident là, dans cette incapacité à s’extirper du schéma impossible dans lequel il s’est lui-même enferré. Prisonnier solitaire d’une scène qu’il foule inlassablement, le groupe conserve, à défaut de fraîcheur, l’aisance et le savoir-faire d’un vieux cabotin encore vert et pas résigné. Quitte à faire son numéro devant des travées restées désespérément vides. Mais de là à affirmer que les absents ont toujours tort…
{"type":"Banniere-Basse"}