Les Trans Musicales de Rennes et leur off, les Bars en Trans, s’entremêlaient ce week end dans la capitale bretonne. Grande joie : on y était, on vous fait un bilan des meilleurs concerts.
VENDREDI
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Stromae
Il est où le papa ? Mais où est-il passé ?… Vous avez deviné : on n’a pas réussi à voir Stromae. Dans une programmation parfois aussi sombre que pointue, le chanteur Belge faisait office de rock star. C’était un évènement. Plus tôt dans la journée, fans et journalistes s’étaient entassés pour espérer l’entrapercevoir en conférence de presse. Le soir, un Hall 9 complètement blindé nous empêchera de l’approcher : les portes sont fermées, le rendez-vous, rendez-vous, rendez-vous est manqué pour nous. Pas foooormidable. M de A.
Totorro
Retour à 12h30 : après une nuit courte mais agitée, on prend la direction de la piscine Saint-Georges. Entre quelques festivaliers venus éliminer leur tonneau de bière ingurgité la veille et un cours de crawl, c’est le LABO des Curiosités qui pose ses bagages aux Trans pour la seconde année consécutive. L’association propose des mini-concerts gratuits en journée dans des endroits impromptus, le tout filmé. Premier RDV du LABO : le groupe rennais Totorro à la piscine – port du maillot non obligatoire (mais recommandé). N’ayant peur de rien (d’une électrocution par exemple !), les quatre jeunes espoirs se jettent à l’eau – au sens propre comme au sens figuré – et initient les baigneurs au registre math-rock. Cousins germains de Mermonte avec un bon coup de jus noisy dans le nez, Totorro c’est la douceur harmonique d’un conte de Miyazaki doublé d’une B.O. des Tortoise. Plongeon final dans le grand bassin avec une caméra go-pro sur la tête : on a hâte de voir le résultat en images ! A A.
Disco Anti Napoleon (DAN)
A peine le temps de s’enfiler une galette Place Saint-Anne, et on grimpe à l’Etage du Liberté pour se rebooster grâce à la potion magique de DAN, venu représenter dignement les couleurs des Pays de La Loire. Couvés et produits par Pégase – qui jouait un an auparavant sur la même scène – les quatre Nantais ont toutes leurs chances de voler le prix de Miss Nationale avec des coupes ébouriffées, basse Flying V ou autre pull bariolé… Drogue dur ou douce, suivant qu’on soit au premier ou dernier rang, DAN diffuse une substance euphorisante, un kaléidoscope d’émotions : tantôt sombres comme chez John Maus ou aussi colorées et cosmiques que chez Tame Impala. Cette pop psychédélique, incapable de respecter les normes et standards des formats radio, prend un malin à plaisir à dériver irrémédiablement et les compositions à s’étirer sur de longues minutes, ne conservant parfois que l’essence de leurs formes initiales. Leur prestation – qui ne manque pas d’autodérision – plane encore au-dessus de nos têtes comme un château dans le ciel sous MD ! A A.
Le Vasco
Pour le premier gros concert du groupe, on découvre Le Vasco très à l’aise dans le hall 4 du Parc Expo. Les mecs et la fille font parler d’eux depuis une grosse année parmi les nouvelles têtes à suivre de la nouvelle scène française : on se rapproche vers les rangs serrés du bord de scène pour se frotter à la fureur que laisse présumer leur réputation. Dès les premières minutes d’une prestation complètement débridée, Le Vasco distribue les plus grosses vibrations hip-hop et punk du festival. Grosse claque. Impressionnante d’énergie et de maîtrise, la chanteuse semble défier tous les regards du hall 4. Sur scène, tout se mélange : rap, rock, larsens, mélodies, r’n’b, hurlements, postillons, baise, baston, trip-hop et recueillement. La B.O idéale d’une crise de panique dont on n’essaie même pas de revenir.
Le Vasco est un groupe transgenre, en phase avec sa génération, capable d’abandonner toute ambition d’appartenance stylistique au profit des expériences et de l’aventure. Et c’est vraiment très agréable d’entendre des musiciens sortis du conservatoire reprendre Death Grips dans une fin de concert tapageuse où la réalité semble modulable. Au sortir du hall 4, tout devient donc probable et désirable : une partouse de Amish, le paradis dans une grotte, le plaisir par la souffrance. On se surprend à espérer les trois. En même temps
A. F.
Jacuzzi Boys
Les Jacuzzi Boys viennent de Floride. Ils sont trois : guitare, basse batterie. Et ça suffit amplement pour charmer le hall 3 par la puissance d’un concert frondeur, chevelu et dépourvu de toute formule introductive. Les mecs ne parlent pas avant les chansons, préférant laisser cracher la reverb et le fuzz sortis de la guitare et des voix canailles. C’est très bien comme ça. Derrière les atours pop de leur dernier tube, Double Vision, le trio de Miami masque une radicalité jubilatoire qui déteint rapidement sur l’ambiance des Trans. On a vu les premiers slams et les premières embrouilles de mecs bourrés. Enfin.
Un seul pattern de basse répété pendant une heure (ok on exagère, un peu) et des riffs acides collés par-dessus : on a beaucoup pensé à la frénésie déconneuse des Dead Kennedys pendant le concert le plus jouissif depuis le début des 35èmes Trans. Ne cherchez pas la moindre considération métaphysique ici, les chansons des Jacuzzi Boys parlent simplement de filles et de « base-baaaaaaaaaaall ». Bonne base. A. F.
Benjamin Clementine
Au-delà du buzz né il y a quelques mois, un phénomène en gestation s’impose. Les Trans Musicales auront donc été sur le coup au bon moment – forcément. Et pour un artiste exceptionnel, moyens exceptionnels : l’Anglais d’origine ghanéenne aura été en résidence toute la semaine à l’Aire Libre, dans la périphérie de Rennes. C’est la tradition de création du festival. Quatre soirs de suite, un concert s’enchaîne sous forme de happening pensé spécialement pour l’occasion. Le rideau s’ouvre. Vous vous souvenez des Kapla, ces jeux de construction en forme de lamelles de bois ? Benjamin Clementine est dans une cage circulaire faite de ces petites plaquettes. Il est torse et pieds nus. Il déclame un Antropologia déjà possédé, puis envoie tout valser. Les pièces de la construction volent jusqu’au premier rang. On y est. On en gardera une en souvenir. Noir. Quand la lumière revient, il est au piano. Un simple faisceau lumineux éclaire son visage sinueux, son regard de fou. Présence étrange, il y parfois comme un malaise derrière cette voix impressionnante, cette prestance impensable. Plus tard, au son des quelques musiciens autour de lui, il déambulera sur la scène, muet, inquiétant. Il regarde le public. Il ne dit rien. Ni bonjour, ni merci, ni au revoir. Ce qu’il nous donne est d’une tout autre nature : il semble offrir son âme, son corps bizarrement galbé, tout son talent évident comme une offrande à un dieu rêvé – un dieu de la scène, de l’ »ici et maintenant », sachant bien à quel point un spectacle peut être vivant. Vers la fin, il allume une cigarette. Puis une autre. A une époque où même monsieur Hulot est privé de sa pipe, on oublie parfois à quel point fumer une cigarette peut être un objet de l’art, un acte en soi, une chose très belle. Il termine comme il a commencé : seul au piano, dans la pénombre, entouré des esprits du monde. Un monde que Benjamin Clementine s’apprête décidément à conquérir. M de A.
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