Il y a quatre ans, en conclusion de Gung Ho, Patti Smith appelait de ses vœux une révolution. Et récoltait en retour un bâillement tout juste poli ? durant l’interminable agonie de la présidence Clinton, l’Amérique se passionnait nettement plus pour les prétoires que pour les pétoires, pour les taches de sperme que pour celles […]
Il y a quatre ans, en conclusion de Gung Ho, Patti Smith appelait de ses vœux une révolution. Et récoltait en retour un bâillement tout juste poli ? durant l’interminable agonie de la présidence Clinton, l’Amérique se passionnait nettement plus pour les prétoires que pour les pétoires, pour les taches de sperme que pour celles de sang. Mais, depuis l’arrivée au pouvoir de Bush junior, ce qui passait récemment encore pour du verbiage émoussé retrouve densité, tranchant et puissance déflagrante : pour légitimer la fonction tribunitienne du rock, rien ne vaut une politique (très à) droite dans ses santiags.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
A nouveau, les mots sont des armes et Patti Smith ? cette poétesse paradoxale, férue d’hymnes martiaux autant qu’éprise de paix ? décrète la mobilisation générale des empêcheurs de bombarder en rond. Au cri de « Vive la révolution » (Gandhi), elle lance une croisade pacifiste menant, sous la double égide de Sinbad l’aventurier et Shéhérazade la conteuse, de Manhattan à Bagdad, du berceau du punk à celui de la civilisation mésopotamienne (Radio Baghdad). Mais sous le ramage engagé gronde le moteur enragé du rock garage ? une musique née durant les mid-sixties, quand les parents conduisaient des paquebots et qu’en plein conflit des générations leurs rejetons faisaient hurler des guitares lance-torpilles.
Eternel acolyte de Patti, le théoricien de ces rythmes terroristes, Lenny Kaye, dégoupille des riffs à fragmentation ? sur Stride of the Mind, le MC5 se bigorne avec les Stooges. Bourré de guitares échevelées ? quand le retour à la coupe GI menace, le rock hirsute relève la tête ?, Jubilee voit Crazy Horse emprunter les ailes du Jefferson Airplane circa Volunteers (69, année politique) et My Blakean Year présente le violoncelle du Street Hassle de Lou Reed à une guitare surf dorée sur tranche, sans que Patti oublie que la country lui va désormais comme un gant. Blanc, tendance aile de colombe ou de séraphin. Sur une paire de ballades édéniques aspergées d’eau bénite (Peacable Kingdom, Cartwheels), sa voix, aussi grisante que sa chevelure est grisonnante, s’élève à une altitude interdite au commun des Castafiore, fussent-elles bardées de masques à oxygène. Car, sur son meilleur album depuis Gone Again, l’ancienne activiste du NY arty prouve qu’elle est bien la seule chanteuse à aujourd’hui être aussi convaincante en trublionne teenage qu’en aïeule éplorée.
{"type":"Banniere-Basse"}