[Track of confinement] Chaque jour, pour survivre au confinement lié à l’épidémie de coronavirus, Les Inrocks vous replongent dans l’un de leurs morceaux préférés. Aujourd’hui, “Long Island Blues”, une face B de Julian Casablancas sortie à l’époque de “Phrazes for the Young”, unique album solo du New-Yorkais.
Quand, en 2009, Julian Casablancas sort Phrazes for the Young, son seul et unique album solo à ce jour, rien n’est moins sûr quant à l’avenir des Strokes. Le dernier disque des New-Yorkais remonte à 2006 (First Impressions of Earth) et tous les membres du groupe, à l’exception de Nick Valensi (que l’on retrouve néanmoins sur quelques projets ci et là – et notamment ici), ont déjà pris le large. Albert Hammond Jr. a sorti deux disques, Fabrizio a monté Little Joy aux côtés de Binki Shapiro et Rodrigo Amarante, et Nikolaï Fraiture, sous le nom de Nickel Eye, a dévoilé quelques mois plus tôt ce grand album d’errance initiatique qu’est The Time of the Assassins.
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Woody Guthrie chez Paul Auster
Si le premier Strokes, paru en 2001, a généré dans son sillage un regain d’intérêt chez les plus jeunes pour le rock garage (compilations Nuggets) et le New York des Ramones (skinny jeans, perfecto, Converse), ce bon vieux Julian lorgne plutôt du coin de l’œil la discographie des Talking Heads et dessine déjà les contours de la new-wave de demain. Toujours prompt a sortir du carcan dans lequel tout le monde semble vouloir l’enferrer (ne chantait-il pas en 2011 : “I’ve been out around this town / Everybody’s singing the same song for ten years”), le kid de Manhattan sort en octobre 2009 un album déconcertant, matrice de tous les fantasmes de l’après-punk, avec comme thème central celui de la persistance de l’être humain en tant qu’être organique capable de sentiments, au milieu des mégalopoles futuristes.
Enregistré sous la houlette du producteur Jason Lader (proche de Rick Rubin, avec qui les Strokes ont mis en boîte leur sixième album, The New Abnormal, dont la sortie est fixée au 10 avril – on aperçoit d’ailleurs Jason dans cet extrait montrant Julian au travail aux Shangri-La studios, bossant sur le titre Ode to the Mets, grand morceau de clôture de ce nouveau disque à paraître), Phrazes to the Young prend la forme d’un manuel à l’usage de la jeunesse, inspiré par les aphorismes d’Oscar Wilde rassemblés dans son Phrases and Philosophies for the Use of the Young.
Ironie du sort, Long Island Blues, le morceau qui nous intéresse aujourd’hui se distingue de toute l’oeuvre de Julian et ne figure pas sur l’album (qui ne comportait à l’origine que huit titres, augmenté de deux autres titres dans sa version deluxe), mais sur la face B du maxi-single 11th Dimension, disponible alors qu’en 45t (et pas toujours simple à trouver). Introduit par les notes d’un orgue et soutenu par une guitare acoustique, Long Island Blues est un folk moderne, sorte de réponse au This Land Is Your Land de Woody Guthrie, sur lequel Julian Casablancas semble prendre conscience de la portée de sa parole sur la jeunesse romantique, conférant au titre de son album sa dimension intemporelle.
En filigrane, c’est l’histoire de la musique populaire américaine que revisite ici Casablancas, inscrivant sa voix dans celle de Tom Waits et Bob Dylan, au crépuscule d’une humanité bientôt décharnée.
“It’s a lonely life at the bottom
It can be lonely too at the top”
Retrouvez les épisodes précédents de la série :
>> Track of confinement #3 : “For What It’s Worth”, de Buffalo Springfield
>> Track of confinement #4 : “Le Meilleur de la fête”, de Fishbach
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