Très attendu, le mystérieux trio londonien tient toutes ses promesses, entre romantisme noir et langueurs bruitistes évoquant les illustres Sonic Youth et My Bloody Valentine.
Que sait-on de Bar Italia ? Bien peu de choses, mais suffisamment pour pouvoir affirmer que Tracey Denim, le nouvel album des Londonien·nes – leur premier pour le label Matador – était attendu comme on attend un miracle à l’aube de l’effondrement des temps. Le groupe-dont-tout-le-monde-parle demeure un mystère soigneusement entretenu, sans doute pour des raisons marketing bien huilées, mais qui ont le mérite de prendre le contre-pied de la trop grande tendance de l’époque à tout dire, tout laisser voir.
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Bar Italia est donc un trio formé dans le giron de l’influent Dean Blunt, constitué de Sam Fenton, Jezmi Tarik Fehmi (également aux manettes du duo noise, shoegaze et lugubre Double Virgo) et de l’artiste d’origine italienne Nina Cristante, déjà croisée en solo ou chez Hype Williams. Un EP et deux albums sont déjà parus chez World Music (label de Blunt) : Quarrel (2020) et Bedhead (2021).
Refrains bravaches et mood nocturne
D’après nos ami·es établi·es à Londres, chaque apparition live de Bar Italia dans les caves de la ville rameutait jusque-là, au premier rang, une extatique jeunesse moderne en trench-coat et, au fond de la salle, tout le gratin de l’industrie du disque, jouant des coudes pour les signer. C’est finalement Matador, label new-yorkais de qualité (Kim Gordon, Pavement, Yo La Tengo), qui remporta la mise. “Du plus vu depuis l’arrivée des Strokes au début des années 2000”, a-t-on dit.
Pour avoir croisé Bar Italia à la Bourse de Commerce, à Paris, en décembre dernier, dans le cadre des Inrocks Festival, on peut dire que Nina, Sam et Jezmi (accompagné·es d’un batteur) partagent ce goût de l’immobilisme exalté par les New-Yorkais à leurs débuts. Au point de se demander si les langueurs bruitistes, évoquant Sonic Youth ou My Bloody Valentine, associées aux postures lascives de ses interprètes, ne tenaient pas plus de la performance d’art contemporain que d’un show rock’n’roll.
La certitude d’avoir entendu ce que l’on cherchait depuis trop longtemps
Le souvenir, en tout cas, est indélébile. Sans doute parce qu’il ajoute à la puissance d’évocation de l’image et de l’attitude la certitude d’avoir entendu ce que l’on cherchait depuis trop longtemps, sans trop oser le demander, par peur de trahir nos passions passéistes pour tout ce qui ressemble de près ou de loin à ce que le rock alternatif a fait de mieux, disons, entre le début des années 1980 et l’apparition d’internet.
En cela, Tracey Denim, avec ses boucles de guitares embrumées, sa pesanteur, ses refrains bravaches, son mood nocturne éclairant la voie vers un monde interlope, réussit le pari du romantisme noir et des plaies saillantes.
Tracey Denim (Matador/Wagram). Sortie 19 mai. Concert au MIDI Festival, Hyères, le 21 juillet.
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