Après sept ans de tempête, Les Négresses Vertes trouvent l’équilibre sur un album audacieux, piqué au radjaïdjah. Inutile de se voiler la face : entre la musique des Négresses Vertes et nous, ça n’a jamais été l’amour fou, même pas l’amour vache, même pas l’amour de raison. On les a même, eux, toujours largement préférés […]
Après sept ans de tempête, Les Négresses Vertes trouvent l’équilibre sur un album audacieux, piqué au radjaïdjah.
Inutile de se voiler la face : entre la musique des Négresses Vertes et nous, ça n’a jamais été l’amour fou, même pas l’amour vache, même pas l’amour de raison. On les a même, eux, toujours largement préférés à leurs disques, authentiques personnages plus intrigants et hauts en couleurs que les flonflons ronronnants qui s’échappaient souvent de leur cirque. Mais avec Trabendo, c’est un peu l’inverse, la révolte des chansons sur le patron : cette fois, la musique a largement pris le dessus sur ses créateurs, les dépasse et leur échappe. Conseil médical à méditer pour tout groupe frappé par le coma créatif : injecter un corps étranger dans son organisme affaissé. Il fallait bien ça aux Négresses Vertes, depuis que Zobi la mouche s’était trans-formé en une mouche tsé-tsé, qui avait endormi l’écriture, ankylosé l’esprit d’aventure, imposé la routine au tintouin. Prisonniers de leur réputation et de leurs latineries réglemen-taires, Les Négresses Vertes ont eu le courage de s’imposer la piqûre qui rend dingo chez Tintin : le radjaïdjah, sous la forme d’un petit bonhomme dans le mauvais sang, l’Howie B. L’Howie B est un vaccin aux propriétés largement documentées chez Björk ou U2 assouplissement du muscle, fluidification des idées, sensualité des gestes , mais on lui découvre ici un curieux effet secondaire : une mélancolie tenace, qui s’insinue partout, fusille l’euphorie d’Hasta llegar, rattrape jusqu’au réjoui Easy girls, met des bouts de charbon dans le groove. Ah oui, parce que l’Howie B fait aussi danser : mais comme le dance-floor est en pente, c’est surtout dans la tête que ça se passe.
« Small but athletic », comme aimaient à se moquer de lui les Parisiens, le producteur a transformé le studio en salle de gymnastique, de trampoline, de contorsions, de jonglage, de nin-jitsu mais jamais de musculation. Et a mouillé le maillot, en jouant collectif, à la fois entraîneur et joueur, des deux côtés de la vitre, trop intrigué par ce qui se tramait dans le bocal pour ne pas avoir envie d’y plonger. On peut ainsi imaginer, naïvement, que Trabendo a été enregistré dans l’ordre de livraison, que Les Négresses Vertes se sont d’abord dérouillés en enregistrant Leïla, une chanson d’habitude, histoire de rassurer les organismes ankylosés par les hésitations. Les Négresses Vertes jouent à la maison, sur un terrain rabâché, mais déjà, l’Howie B sème le doute, trafique les coutumes, fait dévisser le groupe. Les Négresses Vertes, par petits sas de décompression, sans heurts, sont déjà loin de leur base, dans l’espace. Du coup, les gestes, autrefois frénétiques, apprennent la précision, l’intensité. Les voix, souvent si bavardes, acceptent de dialoguer avec le silence. Et miracle : Les Négresses Vertes, qui viennent de passer sept ans à réfléchir pour savoir comment combler le vide d’Helno, n’ont plus peur de ce vide. Mieux : il est devenu un musicien à part entière, qui brille sur Ce pays, estomaque sur Ignacius. Il est, finalement, le seul virtuose d’un album à l’humilité constante, où le savant Howie B est à la fois omniprésent et en retrait, se contentant d’avoir été le révélateur d’un groupe enfin majeur et émancipé.
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