De Nitin Sawhney au collectif d’Asian Dub Foundation, en passant par les activistes enragés du Fun-Da-Men-Tal et Talvin Singh, la crème de la scène british-asian inscrit sa mixité identitaire dans une démarche politico-artistique militante. Au nom de l’internationale rythmique…
Longtemps, l’Angleterre a caché son héritage colonial dans ses quartiers les plus excentrés. À Londres, les immigrants indiens ont rebâti leur réel hybride dans le quartier de l’East End, tentant de faire prendre racines à leurs traditions culturelles asiatiques dans le sol blanc. Comme en France, les enfants de cette communauté orientale déracinée ont réalisé les désirs de leurs parents en affichant leur mixité identitaire dans une démarche politico-artistique militante et internationaliste. D’abord confinée derrière les pupitres des DJ’s (Badmarsh and Shri, Talvin Singh…), la fusion entre les sonorités indiennes et l’électronique prend vie entre les mains de révolutionnaires comme les activistes indian-rap enragés de Fun-Da-Men-Tal, des mélodistes discrets (Cornershop et leur pop pacifiste colorée au son du Penjab) et des compositeurs aventuriers. Nitin Sawhney est certainement le premier d’entre eux, le plus modéré aussi. Musicien de confession bouddhiste avant tout, il apporte sa pierre au revival acid-jazz anglais au milieu des années 80 et infuse par millidoses son tempérament dans les costars un peu trop serrés du James Taylor Quartet. À travers des projets musicaux expérimentaux pour le compte de la BBC puis sur quatre albums solos sortis sur le label Outcaste, il donne une nouvelle dimension à son expression en énergisant l’électronique de l’immensité spirituelle indienne. Talvin Singh l’a suivi dans cette voie. En marge de ses performances de remixeur et de virtuose des tablas (il accompagna notamment Sun Ra et Nusrat Fateh Ali Khan), Talvin Singh provoque les rencontres entre les genres dans les soirées du club Anokha où, dès 95, la crème de la scène british-asian se retrouve dans des sessions haut de gamme. Consignées sur les compilations Soundz of Asian Underground, ces travaux révèlent d’incroyables remixeurs, qui franchissent le cap entre l’univers des DJ’s et celui des musiciens : Kingsuk Biswas, State Of Bengal – qui collaborent plus tard avec Massive Attack – jusqu’à Talvin Singh lui-même, auteur avec son album OK d’une fusion majeure entre la musique bhangra et la drum’n’bass. L’éclectisme musical d’Asian Dub Foundation descend en droite ligne de ces travaux. Né lui aussi à East End, sous l’impulsion du charismatique Dr Das, le collectif a cristallisé en deux albums, une pierre précieuse de l’internationale rythmique en croisant gammes indiennes, jungle, drum’n’bass et chaloupes reggae avec un engagement politique digne des Clash. Dans leurs traces marchent déjà Invasian, la future sensation d’une scène sans frontières.
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