Pour justifier les slogans politiques plus que borderline dans les paroles de DAF, Gabi Delgado disait détourner des éléments de langage qui envahissaient les médias. Il ne s’en est jamais excusé pour autant : quand il assénait “nous sommes les Turcs de demain” ou “danse l’Adolf Hitler, le communisme et le Mussolini !”, ce fils d’immigrés espagnols […]
La mécanique electro-militante du duo allemand, institution des 80’s, est à redécouvrir intacte dans un coffret de rééditions.
Pour justifier les slogans politiques plus que borderline dans les paroles de DAF, Gabi Delgado disait détourner des éléments de langage qui envahissaient les médias. Il ne s’en est jamais excusé pour autant : quand il assénait “nous sommes les Turcs de demain” ou “danse l’Adolf Hitler, le communisme et le Mussolini !”, ce fils d’immigrés espagnols qui zonait dans la Ruhr entendait à la fois jeter du sel sur les plaies de l’imaginaire allemand, et affirmer un protectionnisme culturel face à l’impérialisme américain d’après-guerre. Tel était le groupe DAF, cette force primitive, agressivement teutonne, dont l’alliance de provoc identitaire, de post-punk proto-techno et d’homoérotisme cuir & clous jaillit à nouveau dans un coffret qui couronne leurs quatre décennies d’existence.
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Formation indus/bruitiste dans laquelle se croise tout l’underground ouest-allemand vers la fin des 70’s, DAF (acronyme allemand pour “amitié germano-américaine”, en bon sarcasme) esquisse une electro-punk dadaïste et DIY dès son second album, que ce coffret prend comme point de départ. Puis l’entité se resserre autour de l’iconique tandem Gabi Delgado/Robert Görl, et d’une imparable formule batterie/séquenceur/voix dans le plus pur rejet des standards rock, punk et pop. Magnifiée par le producteur phare du krautrock Konrad Plank, ils l’exploiteront sur trois albums aussi cultes qu’homogènes, et en tireront une physicalité et une urgence que seul l’Anglais Fad Gadget atteignait à l’époque (ce qui leur vaudra une signature chez Mute).
Des titres aux compositions uniques
Le duo opère sans refrain ni couplet, mais procure une jouissance instantanée, dans ses moments les plus racoleurs comme dans les plus secs. Binaires, marqués par un synthé caoutchouteux et des battements militaro-disco, leurs morceaux carburaient à la tension sexuelle et à la transgression pince-sans-rire. Mais par-delà les injonctions totalitaires et les halètements onanistes, Delgado savait aussi s’abandonner à un romantisme las, juste après la castagne.
A sec, de leur propre aveu, dès 1982, DAF étaient pourtant des pop-stars à domicile et un objet folklorique sulfureux à l’étranger – un succès qui laisse rêveur pour une proposition aussi clivante. Après des détours non négligeables en solo (d’honorables maxis techno et un duo scintillant avec Annie Lennox du côté de Robert Görl), le projet a perduré, que ce soit en studio ou sur scène – ils n’ont jamais hésité à en dégager tout nazillon, feignant d’ignorer la subversion de leur propos. Restent un son d’une plastique et d’une efficacité tranchantes, et une œuvre compacte que les quelques faibles remixes inclus dans ce coffret (Boys Noize, Moroder…) ne sauraient affadir.
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