Permettez-moi, pour ce premier édito que j’écris au moment de retrouver cette rédaction, d’évoquer un moment d’une autre vie, déjà ici, déjà dans ce même journal : le premier édito que j’y ai écrit était rédigé pour un numéro hors-série, dédié à un groupe dont le chanteur était mort depuis quelques années déjà. J’avais jugé, inconsciemment, qu’il ne me revenait pas de mettre mon nom sur ce texte, mais de le signer du nom collectif des Inrockuptibles.
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Pour moi, ce journal faisait bande, et il trouvait son sens dans une idée collective, celle d’une rédaction multiple qui construisait ce que je trouvais alors être le magazine le plus singulier qui soit : un magazine culturel, où pouvaient se côtoyer mes idoles, mes héros et héroïnes, mais aussi d’autres, que je découvrais, tous genres confondus.
Vous ne ressortiez pas tout à fait le ou la même de la lecture des Inrocks
Une bande, des bandes aussi. Et avec pas mal d’avance sur l’époque : après tout, c’est en une des Inrockuptibles que j’avais lu pour la première fois en très grand le mot QUEER. C’était en 1999, et la couverture de l’hebdomadaire était une image de Nan Goldin, toujours aussi forte aujourd’hui. Dans ce genre de numéro, il y avait quelque chose de l’ordre de la bousculade de vos idées reçues : vous ne ressortiez pas tout à fait le ou la même de la lecture des Inrocks. Tout était possible.
C’est peut-être pour cela que j’ai tenu à avoir deux couvertures pour ce numéro dédié à la musique : Damon Albarn et Juliette Armanet
Parce que la culture produit cela : elle vous bouscule en permanence, fait vaciller vos émotions et vos convictions, pour mieux éclairer le monde qui vous entoure. Tout est possible. J’ose espérer que Les Inrockuptibles des années qui viennent seront à cette aune-là, cette façon de faire et cette manière surtout d’affecter celles et ceux qui nous lisent. Et qui peuvent trouver ici de quoi nourrir et ouvrir leurs chapelles mais aussi de quoi attiser leurs curiosités, leurs appétits et aussi, certainement, leurs énervements.
C’est peut-être pour cela que j’ai tenu à avoir deux couvertures pour ce numéro dédié à la musique : Damon Albarn et Juliette Armanet. Deux personnalités qui disent tous les possibles de la musique, toutes les pistes de la culture. Lui est l’auteur, avec Blur, de l’un de mes morceaux préférés, le très mélancolique Out of Time, qui narrait déjà un monde en reconstruction. Et son nouvel album est de la trempe de ces chefs-d’œuvre qui cristallisent l’époque, la dépassent surtout.
Elle est la compositrice d’une chanson qui a animé nos derniers mois en ravivant un peu du passé, et en faisant danser surtout, comme sur les ruines des années passablement obscures que nous venons de traverser. Ses derniers jours du disco sont aussi les premiers jours de notre renaissance. Deux personnages, donc, dont les carrières n’ont rien de commun, mais ont comme point d’accroche le fait de ne s’embarrasser de rien pour avancer.
Il y a quelques années, il aurait été impensable de les faire figurer ensemble dans un même magazine, sur une même ligne. Face à face. Mais c’est cela qui est beau, aujourd’hui, et ici surtout : tout, désormais, est possible. Absolument tout. C’est une question de bande. Coda, mais aussi ad lib : tout est possible.
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