En deux longs week-end d’orgie sonore (du 29 juin au 8 juillet), le festival de jazz de La Villette fait un tour d’horizon de tous les jazz, tous les styles et toutes les générations. Trombinoscope des figures incontournables.
Un monstre de festival décidément : tous les genres, tous les styles, toutes les générations mêlés et confondus en deux longs week-end d’orgie sonore. Dans cette grande vitrine du jazz et des musiques voisines, on s’arrêtera plus particulièrement sur le retour très attendu des Five Elements de Steve Coleman, le trio de Carlos Maza, Akosh, saxophone ténor intermittent chez Noir Désir, le sextet de Dave Douglas et le quartet de Bill Frisell.
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Vendredi 29 juin : Akosh S. Unit ; Dianne Reeves ; Belmondo Quintet, Portal/Baron/Chevillon ; Zim Ngqawana ; Joëlle Léandre ; Claude Barthélémy.
Samedi 30 : Steve Coleman « Five Elements » ; Richard Galliano/Eddy Louiss ; Carlos Maza ; Joey Baron ; Mark Helias Trio ; Candido Fabré y su banda. Dimanche
1er juillet : Gateway ; Ahmad Jamal ; Yves Rousseau ; Paul Bley Trio ; François Théberge ; Antoine Hervé Quintet ; Florin Niculescu.
Vendredi 6 : Arfi « La grande illusion » ; Bill Frisell Quartet ; Abdullah Ibrahim & the NDR Big Band ; World Saxophone Quartet ; François Merville ; David Chevallier ; Jean-Marie Machado.
Samedi 7 : Arfi ; Louis Sclavis Quintet ; Gilberto Gil/Milton Nascimento ; Kenny Barron/Regina Carter ; Yves Robert Quintet ; Bojan Z solo ; Hugh Masekela.
Dimanche 8 : Arfi ; Shirley Horn ; David Murray & le World Saxophone Quartet ; Dave Douglas Sextet ; Fapy Lafertin ; Willem Breuker Kollektief ; Magic Malik Orchestra.
La musique d’Akosh, exilé de Hongrie à l’âge de vingt ans, au milieu des années 8O, des fantasmes de liberté hurlant à flots continus de son saxophone ténor, est une musique nomade rêvant d’embrasser tous les lieux et toutes les cultures du monde en un geste qui serait totalisant sans être totalitaire… Et si cet exil est bien fondateur c’est dans ce mouvement paradoxal qui exalte, dans la rupture, une appartenance à un terroir, et ouvre simultanément sur l’étendue. Cette tension est au coeur de la musique du saxophoniste, générant une sorte de baroquisme esthétique qui résulte de ce paradoxe et met en scène, dans le choc des cultures qui s’embrasent et se métamorphosent au contact les unes des autres, un véritable chaos-monde, est à mille lieues du fantasme syncrétique de la World Music… La musique d’Akosh refuse de simplifier la vie des hommes en signes, de l’abstraire, de la numériser ; sa démarche est inverse : exprimer la présence du monde et ce qu’il en est alors de la présence au monde… D’où cette musique opaque, de matières brutes traversées de flux souterrains, sombre, tourmentée, mystérieuse, épaisse, compacte… D’où cette tension constante et irréductible entre des structures, des rythmes, des mélodies, issues d’un terroir, d’une mémoire, d’une culture (sa Hongrie natale) et le jazz, cette musique impure et illégitime, fruit des copulations les plus insensées, qui n’appartient en propre à aucun lieu précis, qui est l’espace même de la déterritorialisation, ancrée par nature dans l’exil… C’est cette complexité que la musique d’Akosh entend humblement, simplement, incarner.
Vendredi 29 juin
Après une longue année sabbatique Steve Coleman est de retour, à la tête d’une toute nouvelle formule de ses Five Elements. Hormis le fidèle Andy Milne aux claviers, le personnel est entièrement renouvelé : Jonathan Finlayson et Ambrose Campbell-Akinmusire sont aux trompettes, tandis que la rythmique est assurée par Anthony Didd à la basse, Jesus Diaz aux percussions et Sean Rickman à la batterie. Schématiquement on peut dire que la musique de Coleman s’organise sur trois plans ? le spirituel (syncrétisme) dans l’ouverture aux musiques du monde et aux philosophies antiques ; le corps (la voix) dans la plongée au coeur de la tradition orale et populaire de la musique noire-américaine ; l’abstraction dans l’exploration toujours plus fine d’un idiome tout en rapports et proportions… Avec les Five Elements, véritable matrice de sa musique, origine et avant-garde de sa poétique, Coleman a toujours cherché le dosage idéal entre ses audaces formelles, ce travail de fond sur les structures et les rythmes, et ce puissant flux de vie qui l’anime de bout en bout. Ces concerts donneront l’occasion de vérifier in vivo si son univers, habile synthèse entre l’esprit syncrétique de la Great Black Music et la tension sourde d’un groove complexe et abstrait totalement contemporain, demeure le passionnant laboratoire de formes, agencées avec la plus extrême rigueur en une sorte de lyrisme sec, qu’il fut au cours des années 90.
Samedi 30 juin
Après cinq année de silence phonographique, le jeune pianiste chilien Carlos Maza a fait l’année dernière un retour triomphal et inattendu. A la tête d’un trio à l’instrumentation expérimentale (piano, saxophone, batterie) intitulé Cubrazil Project, Maza invente une musique ambitieuse inspirée par les univers protéiformes d’Ebgerto Gismonti et Hermeto Pascual. Avec ce cocktail explosif de rigueur classique et de spontanéité latin-jazz, Maza pose définitivement les bases d’un univers unique, synthèse lyrique et trans-stylistique de différentes traditions musicales sud-américaines réunifiées par le regard forcément nostalgique de l’exil. Un grand musicien en gestation.
Samedi 30 juin
Au fil du temps le projet du guitariste Bill Frisell se précise et prend corps : inventer un univers personnel qui, sans ironie ni distanciation, saurait réunifier les différents genres et idiomes qui constituent aujourd’hui le paysage culturel musical américain dans son morcellement essentiel ? de la country archaïsante ou déjantée aux différents moments du rock ; du jazz dans tous ses états aux univers raffinés des grands compositeurs fondateurs que sont Charles Ives ou Aaron Copland ; du blues le plus primitif aux dernières expérimentations libertaires et bruitistes de l’avant-garde new-yorkaise A la tête de son quartet Frisell plonge une fois encore au plus intime de cet imaginaire en ruine et en une longue déambulation sinueuse et paresseuse fait l’inventaire poétique de ce monde parcellisé. Chaque morceau, divagation fantomatique et allusive, est l’occasion d’une remise à plat générale, le guitariste transcendant de son style inimitable, faussement naïf, tout en langueurs éthérées, ces mélodies acidulées soudain traversées d’orages électriques.
Vendredi 6 juillet
Trompettiste indispensable de la scène alternative new-yorkaise contemporaine, Dave Douglas propose dans chacune de ses formules orchestrales de petits laboratoires expérimentaux et ludiques où jouer ses fantasmes les plus intimes. Sa sensibilité éminemment post-moderne (cette façon d’ancrer son discours dans la tradition jazz dans toute sa diversité stylistique, sans souci d’ordre ni de hiérarchie ; d’ouvrir sa musique aux influences les plus diverses, des répertoires traditionnels folkloriques mondiaux aux dernières tendances de la musique électronique ) ; ses talents d’instrumentistes hors-pair (cette sonorité feutrée, comme embrumée de nostalgie douce ; son phrasé à la fois incisif, elliptique et sensuellement enroulé en arabesques fluides) ? en font l’un des musiciens les plus sollicités du moment : trompettiste lyrique du quartette sans piano Masada de John Zorn , interlocuteur indispensable de personnalités aussi prestigieuses et influentes que Tim Berne, Anthony Braxton, Don Byron ou encore Uri Caine et Myra Melford, Dave Douglas est partout et s’impose subrepticement comme un musiciens fondamentalement novateur, parmi les plus inspiré et audacieux du moment.
Dimanche 8 juillet
Du 29 juin au 8 juillet
Renseignements/Réservations : 01.40.03.75.75
Tarif : de 130 à 160 F
Site web : www.cite-musique.fr/villettejazz
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