Si Du ciment sous les plaines faisait entrer Noir Désir dans la violence sonore, son troisième album est celui qui concrétise
toutes ses ambitions, avec encore plus de bruit, mais mieux maîtrisé.
Avec et à partir de Tostaky, on peut affirmer que Noir Désir devient vraiment Noir Désir. Non pas que les trois disques précédents ne soient pas du Noir Désir, mais sur chacun d’eux, pour des raisons à chaque fois différentes, le groupe semble ne pas s’être encore trouvé. Alors que sur Tostaky tout est là, comme le résume le titre, contraction de l’espagnol « Todo está aquí ».
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Là où Du ciment sous les plaines semblait établir les invisibles fondations du groupe, Tostaky en érige les murs. En béton armé dès les premières notes d’un Here It Comes Slowly nourri à la nitroglycérine. Renforcée par l’architecte Ted Niceley, l’armature métallique forgée par Noir Désir dans un studio britannique fait sienne la méthode de construction à l’américaine des fameux cast-iron buildings, ces immeubles aux structures métalliques apparemment insensibles à l’épreuve du temps.
Tostaky semble conçu comme un “cast-iron record”, le disque à ce jour le plus solide du groupe, même si quelques concessions en façade tentent de le rendre un peu hospitalier. La première, ce sont quelques morceaux qui se dégagent irrésistiblement de cet assemblage métallique au point de séduire les ondes pour la première fois depuis Aux sombres héros de l’amer : Marlène et Tostaky (le continent), un titre qui résume à lui seul toute la puissance dégagée par la musique du groupe à cette époque et sa capacité à concilier musique enragée, textes engagés et succès engrangé.
La deuxième, ce sont quelques ballades qui tirent un trait définitif sur les rares velléités country du début pour s’enfoncer dans les marais du blues jusqu’au cou (Oublié, Sober Song), parfois même la tête sous l’eau (7 minutes). La troisième, c’est une nouvelle façon d’écrire pour Bertrand Cantat qui mélange des visions enfantines (Alice), une allégorie sur un amour en temps de guerre (Marlène) et des propos radicaux qui pointent déjà du doigt la mondialisation en cours ou les aberrations du climat social, en France comme dans les zones les moins fertiles du monde. Avec Tostaky, tout n’est pas encore dit, mais l’essentiel est prédit.
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