En quelques années, Tortoise a chamboulé les cadres de la musique américaine, mettant dans le rock davantage de textures fragiles et moins de voix. Au moment où sort son nouvel album Standards, petit retour discographique. A découvrir, le clip interplanétaire de Seneca, extrait de leur dernier album Standards.
Les albums
Tortoise compte 4 albums au compteur. Le premier éponyme, Tortoise, est sorti au début des années 90, en pleine vague post-grunge. Ce disque, instrumental, aux plages désertiques et atmosphériques, ne se rapprochait à l’époque de rien de connu. On lui connaissait de vagues cousins anglais : Tortoise donnait l’impression à l’époque de vouloir faire de la techno organique, avec des instruments de rock. Le parent le plus proche de ce disque était sans doute le Spiderland de Slint, beau disque surestimé (à juste titre), qui symbolisait un renouveau des guitares, dorénavant davantage utilisé pour leurs textures et leurs défauts que pour leurs harmoniques et leurs riffs’ Tortoise était d’autant plus intrigant que le groupe faisait penser à une mutuelle d’anciens hardcoreux : la plupart de ses membres ayant officié dans divers groupuscules noisy{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Pour son second album, Millions now living will never die, Tortoise a pris des chemins de traverse, notamment ceux empruntés par la techno d’Aphex Twin ou le krautrock métronomique de Neu!. Ce disque était composé en deux parties : une première plage, intitulée Djed, longue de vingt minutes, composée comme un collage abracadabrant, juxtaposant avec un bonheur rare, toute la palette sonique du groupe, depuis les grooves instrumentaux imparables jusqu’à l’abstraction électronique la plus avant-gardiste. Pas pour rien que John McEntire, tête chercheuse et ingénieur du son de Tortoise, a usé ses culottes dans une école de musique contemporaine L’autre partie du disque, décline en une poignée de morceaux beaux à pleurer, toute le savoir-faire mélodique et méthodique de Tortoise : là, le groupe croise Morriconne et Portishead, fait des galipettes avec Can et Lee Perry. Ce disque, au final, aura servi à asseoir les fondations du post-rock, genre né de la cuisse de Tortoise.
Son successeur, TNT, bénéficiera d’un accueil critique unanime : là, Tortoise raffine sa musique à l’extrême et pousse tous ses gimmicks instrumentaux jusqu’à leurs limites. L’arrivée du guitariste Jeff Parker, d’obédience jazz, en replacement de David Pajo, parti se consacrer à Papa M, est un appel d’air : Parker contribue des lignes mélodiques nouvelles, et quelques approches féroces.
Standards, sorti ces jours-ci, renoue avec la veine la plus expérimentale du groupe, qui laisse éclater sa fascination pour l’électronique la plus ardue, mêlée de guitares jazz, que n’auraient pas reniées feu Sonny Sharrock Standards, au demeurant, a tous les atours d’un album difficile, peu accessible, mais dont la complexité ne dissimule que de la richesse et de la diversité : tout ce qui fait un bon disque.
Les singles
Tortoise a sorti une poignée de singles, notamment à ses débuts. La plupart de ceux-ci sont regroupés sur une compilation japonaise. Cependant, à la réécoute, certaines des premières tentatives du groupe semblent avoir vieilli. Ce qui n’est pas le cas de leur excellent et sublime (les mots sont pesés) maxi sorti chez Duophonic : en deux morceaux, Gamera et Cliff Dwellers Society, Tortoise expose et explose tout ce que le rock compte de plus subversif, de plus beau, de plus chérissable et détestable à la fois. Avec une aisance rare, le groupe dynamite es conventions, marie Sun Ra et John Fahey, Luc Ferrari et l’Art Ensemble of Chicago Ce disque, sorti en vinyle uniquement, rouge, transparent ou noir,, n’est pas réédité : il faut le chercher, en acheter toutes les copies possibles, les offrir, les user jusqu’à l’os, et recommencer. A noter, sur le même label, un split-single Stereolab/Tortoise, qui vaut le détour, et le prix rédhibitoire du marché et des musées.Les remixes
Tortoise aime se faire partouzer par ses potes : du coup, plusieurs gang bangs ont été organisés. Le premier exercice de remixes a vu le jour sous la forme d’un album, aujourd’hui épuisé, Rhythms, Resolutions & Clusters, sur lequel Jim O Rourke, Steve Albini et quelques autres culbutaient le premier album de la machine Tortoise, pour en faire ressortir les basses, le cul, la charpente : un vrai disque de dub, sorti entre les deux premiers albums.Ensuite, après Millions, Tortoise a fait appel à quelques uns de ses chouchous, pour remixer ses dernières compositions : Oval, Bedouin Ascent, Springheel Jack et d’autres ont ainsi revisité toute la planète du second album. Les efforts des uns et des autres, initialement sortis en maxis, sont compilés sur un CD.
Pour TNT, le groupe a fait appel aux talents de Derrick Carter, producteur énorme de techno-house, pour un maxi, suivi d’une relecture par Autechre, qui transforme définitivement Tortoise en un Steve Reich épileptique et noceur, à la limite de la trisomie. Ces deux maxis sont parmi les meilleurs collaborations/remixes commandées par le groupe : à écouter, vite.
Clip de Seneca avec l’aimable autorisation de Source
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