“Trop de classe pour le quartier”, jurait un album des Dogs, réédité dans un coffret. Et effectivement, les Normands ne faisaient pas de quartier : classe.
Au mitan des seventies, il existait une rock connection en Haute-Normandie qui battait fièrement pavillon. Sur l’axe Rouen-Le Havre, sorte de prolongement naturel de l’Angleterre, s’ébrouaient Little Bob Story, Fixed Up, City Kids, le fanzine culte de Jean-Pierre Turmel Sordide sentimental, toute une minigalaxie rock qui tournait autour de deux fameux soleils de vinyle noir : deux échoppes, Mélodie Massacre à Rouen, pilotée par Lionel Hermani, et Crazy Little Thing au Havre, tenue par le légendaire Philippe Garnier.
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Les Dogs étaient de Rouen et aujourd’hui, la place où était sis Mélodie Massacre a été baptisée Dominique Laboubée, en hommage à leur défunt leader-chanteur- compositeur-guitariste, décédé sur scène en 2002. D’obédience classic-rock sous influence soul blanche et rhythm’n’blues teigneux, chantant en anglais, les Dogs étaient d’élégants puristes, cirant autant leurs riffs fuselés que leurs boots vintage, soignant leurs mélodies avec la même attention que leurs coupes de cheveux, choisissant leurs références avec la même minutie que leurs guitares collector.
“Trop de classe pour le quartier”, affichait avec un brin d’arrogance leur troisième album, qui figure dans ce coffret. Il avait raison. Le rock français de l’époque était encore trop souvent une pâle et maladroite ressucée des modèles anglosaxons : les Dogs s’en distinguaient non seulement par leur musique très au point, mais aussi par une forme de distance aristocrate bienvenue, une élégance laconique dans leur apparence, leur attitude et leurs performances scéniques.
Le minois de lord anglais de Laboubée, sa frange brune et son regard triste distillaient autour du groupe une aura noble, un élégant mystère. Musicalement, reconnaissons- le, ils n’inventaient pas grand-chose. Mais ils récitaient les tables de la loi rock et pop avec l’aisance, la vélocité, l’explosivité gracile des meilleures formations. Avec eux, les boucles de la Seine passaient par Detroit, Liverpool et Memphis, le bocage normand prenait des airs de Merseyside et les fans de rock français relevaient un peu la tête.
Après le petit âge d’or des trois albums réunis dans ce coffret, ce fut la sempiternelle galère des aventures rock qui durent trop longtemps, les concerts qui s’enchaînent, le public qui ne suit plus, les galères… jusqu’à la mort qui frappe beaucoup trop tôt. Madeleine fondante des seventies, ce coffret saisissant un groupe à son meilleur est aussi une belle capsule d’énergie pour le présent, la version électrique du trou normand.
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