Le baroque musical a souvent donné naissance à des productions et des personnages étonnants dont les spécimens les plus savoureux sont à chercher du côté de l’Italie et de l’Espagne. Du côté de Naples, un certain Gesualdo, prince de Venosa, ouvre le bal en écrivant à la fin du xvième siècle les madrigaux les plus […]
Le baroque musical a souvent donné naissance à des productions et des personnages étonnants dont les spécimens les plus savoureux sont à chercher du côté de l’Italie et de l’Espagne. Du côté de Naples, un certain Gesualdo, prince de Venosa, ouvre le bal en écrivant à la fin du xvième siècle les madrigaux les plus inouïs, traversés de clairs-obscurs. Son parcours est aussi des plus agités : il assassine sa première femme et son amant avant de couler des jours heureux à Ferrare. Une vie de roman qui est un peu celle de l’Espagnol José Marin dont on découvre aujourd’hui tant la personnalité fantasque que l’harmonie de l’oeuvre. Musicien de la cour de Madrid vers 1650, il s’illustre dans les faits divers, défraie la chronique à raison de moult duels, intrigues et affaires louches qui lui vaudront la torture et les galères. Une épopée flamboyante comme l’Espagne de son temps, mais que l’on a peine à imaginer vu la sérénité de ses chansons (ou tonos) qui s’accompagnent du geste de la danse. La vision de l’amour est fugace et toujours sujette à caution. Ce genre mixte qui accueille toutes les influences, populaires surtout, a fière allure. La voix vient mettre en valeur les vers poétiques et se grise sur fond de cordes pincées, de castagnettes et de percussions. La chanson est toujours un peu la carte postale sociale de son époque. On retrouvera ici le souffle de Cervantès, l’élégance de Lope de Vega, le sens de l’improvisation qui rappelle que Marin était lui-même un virtuose de la guitare, enfin les vertus de la danse. L’organe de Montserrat Figueras, éclatant comme un fruit rubicond, se répand avec délectation. La chanteuse-comédienne opère dans l’économie ; c’est assez pour faire passer le message. Elle peut se consacrer à la mise en valeur des qualités purement musicales des chansons. A l’arrière-plan, ses complices s’avèrent aussi discrets que pénétrants. Ils rendent hommage à un corpus complet et universel à découvrir sans tarder. Le label Alia Vox qui nous interpelle depuis un moment par la qualité de ses productions accouche là d’un beau bébé.
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Montserrat Figueras, chant ; Rolf Lislevand, guitare ; Arianna Savall, arpa doppia ; Pedro Estevan, percussions ; Adela Gonzalez-Campa, castagnette (Alia Vox/Abeille Musique)
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