C’est comme quand des amis bien intentionnés vous demandent de leur faire “une cassette de bon rap, un de ces jours, pour ne pas mourir idiot”. Au-delà du fait que le rap et encore moins le hip-hop ne peut se résumer à une cassette, fût-elle de 120 minutes, il y a toujours ce […]
C’est comme quand des amis bien intentionnés vous demandent de leur faire « une cassette de bon rap, un de ces jours, pour ne pas mourir idiot ». Au-delà du fait que le rap et encore moins le hip-hop ne peut se résumer à une cassette, fût-elle de 120 minutes, il y a toujours ce sentiment d’impuissance à communiquer à autrui l’enthousiasme d’une époque révolue. Si vous n’avez pas en son temps vibré, dansé, chanté, ni abîmé vos yeux sur la pochette, il y a fort à parier que ce que l’initié considère comme une pépite, reliée à un contexte et réminiscente de tant de souvenirs, apparaîtra sans saveur au néophyte. C’est la raison pour laquelle les rétrospectives de labels, ces autocélébrations en forme de cours de rattrapage accéléré, se révèlent souvent affreusement vaines. Impossible pourtant de dire du mal de ce best-of de Tommy Boy, label de légende présent sur le front du hip-hop depuis l’aube des années 80 et pourvoyeur de pointures fondatrices telles qu’Afrika Bambaataa, Stetsasonic, De La Soul, Naughty By Nature, Digital Underground ou House Of Pain. En février dernier à Londres, Prince Paul qui, de Stetsasonic à De La Soul et aujourd’hui en solo, accuse quinze ans de carrière dans la maison, a témoigné avec maestria de la pertinence de ses hôtes : son mix hip-hop chronologique entamé avec ESG et clos avec Mos Def (ces deux-là ne sont pas chez Tommy Boy, on ne peut pas tout avoir) était judicieusement articulé autour de ses voisins d’écurie. Là, les hymnes imparables signés Naughty By Nature ou De La Soul étaient suffisamment intemporels et gorgés de soul pour faire tanguer tout un chacun. Mais de même que les B-boys authentiques n’avaient pas besoin de parler ce soir-là pour comprendre qui « en était » et qui avait raccroché aux wagons, on ne se rachète pas une éducation avec un malheureux best-of. Enfin, tout en recommandant chaleureusement ce luxueux coffret, on ne pourra s’empêcher de conclure par ces propos de De La Soul à méditer : « Pour notre premier album 3 feet high and rising, qui a vendu un million de copies aux USA, Tom Silverman, le patron de Tommy Boy, a touché 3 dollars par disque, soit 3 millions de dollars pour lui tout seul. Et nous, des clopinettes. Seules les tournées nous ont empêchés de crever de faim. »