Il y a une logique dans la gloire planétaire des Cranberries, groupe tiède pour une époque tiède. En deux albums consensuels à souhait, portés par des singles si farouchement ancrés dans leur temps qu’on se dit qu’ils nous feront bien rigoler d’ici quelques années, ces Irlandais sans génie se sont bâti de solides acquis, au […]
Il y a une logique dans la gloire planétaire des Cranberries, groupe tiède pour une époque tiède. En deux albums consensuels à souhait, portés par des singles si farouchement ancrés dans leur temps qu’on se dit qu’ils nous feront bien rigoler d’ici quelques années, ces Irlandais sans génie se sont bâti de solides acquis, au point d’être devenus aujourd’hui l’un des rares groupes au monde à pouvoir mettre n’importe quelle immondice sur le marché en étant assuré d’en vendre quelques millions d’exemplaires. D’une situation aussi avantageuse, neuf formations rock sur dix joueraient elles aussi aux boursicoteurs : pour un Smashing Pumpkins bousculant la monotonie de son inspiration, remettant tous ses gains en jeu, pour la beauté de l’art, combien de Dolores petits épargnants ? Ainsi, sur To the faithful departed, trois zigues sans épaisseur répètent les recettes éprouvées qui les ont menés au tube Zombie tout en préservant l’anonymat gagne-petit de leurs impassibles faces de musiciens transparents. De mémoire de fan, on n’a jamais vu plus absents que ces maigres pignoufs, contraires absolus de notre idée du glamour. De fait, parce qu’il n’a rien d’autre à montrer, ce petit groupe sans ambition mise tout sur la voix de sa chanteuse, atout certain mais tellement saillant qu’il en devient vulgaire, affiché avec la morgue crâneuse que revêtent les strip-teaseuses de Pigalle lorsqu’elles déballent leurs gros seins huilés. « Mate un peu comme j’chante bien », semble ici nous dire la meneuse de revue, sûre de son affaire. Oui, en effet, Dolores, tu chantes très bien. Mais ce que tu chantes si bien est effroyablement laid. Illustration pénible avec Salvation, single balourd porté par une parodie de colère, fameux alibi pour braire son refrain comme une morte-de-soif. Ou avec les envolées faiblardes que tentent quelques chansons (Thus the rebels, Bosnia ou War childs avouez quand même qu’elle a un don pour les titres, la grande dame ), vagues embellies dans un ensemble d’un conformisme affligeant. Finalement, ne reste plus aux Cranberries que leur sempiternel (et principal) argument commercial : cette petite coloration verte, cette étiquette irlandaise si commode. Mais à mesure que le rock du groupe s’enlaidit, ce charme déjà précaire pique salement du nez. Aujourd’hui, les Cranberries, c’est l’Irlande avec Dégrif’ Tour : le tour complet du pays en deux jours, avec nuit au Novotel.
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