Instruits, mal élevés, les Britanniques sèment le chaos sur un premier album bardé de guitares épiques et de rock déclassé. Le grand retour de l’insolence.
L’un des poncifs les plus répandus au sein de l’industrie musicale veut qu’un artiste ait besoin de temps pour réfléchir, faire le tri et digérer son époque. Ce présupposé, The Lounge Society le fait voler en éclats. À peine un an après la sortie du EP Silk for the Starving, les Anglais font de nouveau crisser leurs guitares sur un premier album enregistré en quinze jours dans le studio du mentor Dan Carey, le fondateur du label londonien Speedy Wunderground.
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Il y a l’urgence de dire la spontanéité du geste, la dynamique collective, symbolisée par le refus d’évoluer avec un leader. The Lounge Society n’est pas un prétexte pour briller : c’est une entité crâneuse, insatiable, en prise avec le présent (People Are Scary), qui livre ici l’un des disques de postpunk les plus explosifs et vivants de notre époque.
Tired of Liberty est d’ailleurs le genre d’affaire réglée dès les premières minutes : tandis que leur sève électrique se met au service de refrains expéditifs, branleurs mais étonnamment pop, Remains, It’s Just a Ride ou Generation Game optent pour un rock chaotique, déclassé, révélant des musiciens bien plus subtils qu’on ne pourrait le croire. Avec, en point d’orgue, ce No Driver qui trouve un bien joli raccourci entre A Certain Ratio, The Modern Lovers et Mark E. Smith, dont ils ont hérité de la gouaille et du verbe arrogant.
L’énergie déjà contagieuse du groupe gagne ici en ampleur, en nuances et en maîtrise, grâce à cette tension presque anxiogène
Les riffs abondent sans jamais la ramener
C’est dire si l’énergie déjà contagieuse du groupe gagne ici en ampleur, en nuances et en maîtrise, grâce à cette tension presque anxiogène, à ce chant qui suinte les rues anglaises et à ces guitares épiques, jamais héroïques. “Boredom is a drug”, clament-ils, la rage contenue : ce qui revient à mettre un bon coup de canif dans la veste de ces musiciens qui ont trop souvent tendance à la retourner une fois le succès arrivé, ne trouvant plus rien de séduisant dans l’ennui ou ces moments d’errance entre potes.
Sur Tired of Liberty, les riffs abondent, mais sans jamais la ramener : ils sont là pour soutenir le propos, l’intensifier, donner toujours plus de résonance à des réflexions sur la cupidité de l’être humain, sur ces “mensonges trempés dans le sarcasme” et sur un Royaume-Uni à bout de souffle. Avec, toujours, cette fougue et ce sens du groove vicié rappelant que les petits gars du Yorkshire ne sont pas des faiseurs : ce sont des fauteurs de trouble qui se moquent bien de savoir si tel ou tel morceau est radiodiffusable.
Tired of Liberty (Speedy Wunderground/PIAS). Sortie depuis le 26 août.
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