Conte de Fay. Miracle des rééditions : on découvre, trente ans plus tard, la merveilleuse discographie d’un Anglais oublié. Incroyable découverte que cette oeuvre intégrale d’un Anglais inconnu au bataillon, oeuvre intégrale qui tient en fait sur un seul CD comprenant un single enregistré en 67 et deux albums datant de 70 et 71. Soit […]
Conte de Fay. Miracle des rééditions : on découvre, trente ans plus tard, la merveilleuse discographie d’un Anglais oublié.
Incroyable découverte que cette oeuvre intégrale d’un Anglais inconnu au bataillon, oeuvre intégrale qui tient en fait sur un seul CD comprenant un single enregistré en 67 et deux albums datant de 70 et 71. Soit les uniques pièces à conviction d’un dossier par ailleurs entièrement vide. Car on ne sait rien de Bill Fay, sinon qu’il a disparu corps et biens peu après la parution de son second album, le prémonitoire Time of the last persecution, et que personne depuis n’a jamais pu remettre la main sur lui. Plus encore que Syd Barrett ou que le regretté Bryan McLean, Fay est l’un de ces mystères que le rock se paie encore le luxe d’entretenir lorsque les plus acharnés fouilleurs de vestiges croient être arrivés au bout de toutes les énigmes. La musique de Bill Fay fait en effet partie de celles dont on supporte mal d’avoir été privé si longtemps, un peu comme lorsqu’on a découvert pour la première fois Nick Drake, David Ackles ou Chris Bell. Car c’est à ce niveau de secousse que se situe l’affaire, camarades !
Il y a d’abord ces deux titres de 67, notamment le flamboyant Scream in the ears, auquel fut pourtant préféré à l’époque la valse crypto-dylanienne Some good advice pour figurer sur la face A d’un simple qui marchota pendant l’été des fleurs. Et puis, trois ans plus tard, vint ce premier album éponyme littéralement enflammé par les incroyables arrangements de Michael Gibbs. Déboulant comme un torrent, l’orchestre de cuivres et de cordes transporte d’honnêtes folk-songs (on pense beaucoup à Al Stewart, un peu à Donovan, plus du tout à Dylan) sur ces rivages paradisiaques d’habitude fréquentés par Spector ou Bacharach, et même si la voix de Fay n’est pas toujours à la hauteur d’un tel voyage, le résultat s’avère d’une délicatesse infinie. Ces Garden song, Gentle Willie ou Be not so fearful sont ainsi de radieux mirages pop tout juste troublés par un réveil mélancolique, cousus d’un revers de crêpe noir à peine visible (The Room, allusion voilée à la junkitude de son auteur). L’année suivante en revanche, le ton s’assombrit pour de bon. Entre-temps, Fay s’est laissé pousser une barbe de loque dépressive (c’est jamais bon signe, ça), et son second album est l’exact négatif du précédent. L’orchestre a déserté, laissant place à une plus modeste formation rock dominée par une guitare free aux coupables tentations progressives mais que le piano de Fay ramène toujours à la raison. Les chansons, considérablement dérangées, parlent du Christ et d’Hitler, mais demeurent d’une beauté foudroyante, totalement préservée des marques du temps et dont la tardive résurrection tient du miracle. Bill Fay débutait les notes de pochette de son premier album par ces mots : « La seule chose que je puisse dire, c’est que je ne suis plus sûr de rien. » La seule chose dont on est sûr, c’est qu’il est un génie méconnu dont l’aura ira désormais en grandissant.
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