Nous aimions les Feelies car leur musique racontait tout ce que nous n’aimions que confusément dans le rock américain, parce qu’elle reliait d’un trait évident tous ces îlots que nous pensions épars ? Television, Velvet, Neil Young, Modern Lovers. Sur quelques albums de sorciers, The good earth ou Crazy rhythms, les Feelies cimentèrent ainsi une […]
Nous aimions les Feelies car leur musique racontait tout ce que nous n’aimions que confusément dans le rock américain, parce qu’elle reliait d’un trait évident tous ces îlots que nous pensions épars
? Television, Velvet, Neil Young, Modern Lovers. Sur quelques albums de sorciers, The good earth ou Crazy rhythms, les Feelies cimentèrent ainsi une grande famille, le temps d’une photo qui volait l’âme de chacun des convives. Avant et après la photo, la famille n’existe pas, les Feelies n’existent pas. Capturer sur la pellicule une telle magie à chaque coup semble impossible : un seul être vous manque et la photo est ratée, floue. Ou pire encore, elle dévoile un ramassis poussiéreux et soudain hétéroclite, un triste musée de la dévotion où manquent la vie, une flamme. Sans vent de folie pour l’épousseter, la famille se paralyse, devient une conférence figée de Sages.
Les Feelies s’étaient préservés de la pétrification par des amulettes en vente libre à Hoboken, leur univers. Ils étaient des extra-terrestres, leur planète la Bonne Terre. Le goût savait allier épice et subtilité, la musique savait marier simplicité et exubérance, le son était riche et pourtant nu. Les guitares n’avaient encore jamais sonné ainsi : c’était elles qui parlaient, avec effusion et un accent unique, pour les Feelies. Eux se taisaient, trop occupés par une vie ordinaire. Un seul être vous manque et le goût devient rance, la musique passe-partout, le son anodin. Rien de pire, pour un groupe au parfum si relevé, que la banalité. Car même si le son relève la tête, supplie les souvenirs, le cœur des chansons n’y est plus. Sur la photo de famille, les Feelies ont l’air de singes savants : ils connaissent les gestes par cœur, mais ils ont perdu le talisman qui éloignait la platitude. Privés de leur secret, qui transcendait les influences, les Feelies jouent très vite, comme pour maquiller l’absence cruelle de chansons. Find a way et Real cool time ne sont alors plus que des pastiches laborieux du Velvet, Sooner or later une reprise épaisse des’ Feelies. De cette triste déroute, où tout s’est perdu sur des détails, on sauvera Invitation et quelques éclairs où les mélodies jouent aux montagnes russes et où les Feelies redécouvrent l’agitation, la transe sur place.
It’s only life, proclamaient-ils sur leur précédent album. Cette fois-ci, j’en ai bien peur, it’s only rock’n’roll.
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