Des exilés londoniens de l’electro française, Tim Paris est peut-être le membre le plus discret. Mais la gloire ne devrait pas le rater : son premier album illumine par ses zones d’ombre. Rencontre et critique.
Dans sa base londonienne de Finsbury Park, Tim Paris mixe de la house- music en club le samedi soir et écoute Stravinski dans des églises le lundi à midi. On retrouve cette versatilité téméraire dans son premier album Dancers, dont l’appétit pour les beats dance-floor ne supplante jamais la recherche d’émotions plus cauteleuses. “Je me suis surpris moi-même, déclare aujourd’hui le Français, je ne pensais pas réaliser un album avec autant de sonorités rock. Avec ce disque, j’ai assumé ces influences, contre toute attente.”
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Après dix ans de maxis sur des labels underground (Crack&Speed, Dialect ou sa propre maison Marketing Music) ou plus grand public (son remix de DB, Future Now, plébiscité par les charts electro en 2005), Tim Paris livre un album plus “dense” que “dance”. Dès les premières mesures, on est happé par cette collection de tracks louvoyants, aux contours troubles. La guitare en tension du morceau d’ouverture Golden Ratio, titre alien autour duquel l’album s’est construit, conditionne l’écoute jusqu’à You’ll Never Know ou Backseat Reflexion, autres tours de force entre electro régénérée et pop dévoyée.
L’excellent single Minireich, et ses vocaux inquiétants très ghetto-house, téléporte dans les backrooms d’un club interlope de Chicago. “Dancers n’est ni un concept album, ni une succession de musiques club : je voulais que les univers s’y entrechoquent”, martèle Tim, qui chante, programme et interprète la plupart des instruments. On pense à un autre surdoué français, Joakim (les climatiques Rain et Outback, Stones & Vinyl), pour ces collisions d’electro et de rock. Compère de Tim, qu’il a retrouvé à Londres il y a huit ans, Ivan Smagghe défend cette optique hybride depuis de nombreuses années (par exemple sur la compilation Death Disco parue en 2004). “C’est Ivan qui m’a ouvert à ces sonorités”, confirme Tim, qui entretient un rapport privilégié avec l’étoile noire de l’electro française via leur duo It’s A Fine Line.
Dans son studio de Shoreditch (où il croise notamment Simian Mobile Disco), le duo prépare son album, calé sur le rythme des petits clubs déjantés – dont le Basing House, antre régulier de Tim – qui constituent l’âme underground de la capitale anglaise. Promesse de nouvelles vibrations singulières pour des usagers de la nuit en quête de sudations cathartiques et d’amours équivoques, ces dancers que l’album de Tim a bien saisis dans leur caractère paradoxal. Car tout vrai DJ vous le dira : un vrai dance-floor se distingue plus par ses zones d’ombre que par ses côtés lumineux.
Hervé Lucien
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