Thurston Moore, rangé des décibels mais pas moins aventureux, et bientôt à la Villette Sonique : la tête pensante de Sonic Youth publie un album, Demolished Thoughts, crépusculaire, risqué et produit par Beck. Interview.
Le son de Demolished Thoughts est à l’évidence très différent de celui de tes précédents albums, avec Sonic Youth ou en solo. Mais qu’en est-il de ton songwriting ? As-tu l’impression qu’il a aussi beaucoup évolué ?
Non, je ne crois pas qu’il ait changé tant que ça. Ce qui change vraiment est ce qui traverse ma vie. La manière dont j’écris des chansons a beaucoup à voir avec la solitude, avec ce que je dois faire pour me sentir seul. Ecrire avec Sonic Youth, parfois, est une expérience très communale, très démocratique. Et nos meilleurs morceaux sont venus quand tout le groupe réussissait à composer ensemble. Mais, souvent, j’arrive avec des débuts d’idées que j’ai développées seul, dans mon coin, et tout le monde se met à bosser dessus, mais d’une manière un peu individuelle, chacun fait ce qu’il veut. Je préfère largement quand les idées germent de manière totalement collective, dès la base. Et quand nous recommencerons à travailler ensemble, après une pause assez longue loin les uns des autres, je pense que nous essaierons de faire les choses ensemble. Je ne veux pas arriver prêt, avec des chansons. Je veux que ce soit plus organique. Ce sera sans doute un grand changement pour le groupe.
Et cette solitude, que peux-tu m’en dire ?
J’aime la solitude, et j’en ai besoin. Elle me permet de me concentrer sur moi-même. La solitude en elle-même est pour moi un exercice créatif, un exercice de méditation. Elle me permet d’entrer en contact direct avec des sentiments qui sont parfois complexes, troubles, elle les traduit dans un langage que je peux essayer de comprendre. C’est comme l’écriture de poésie, ce que je fais beaucoup. Ou quand je m’assois et que je joue d’un instrument, et en particulier d’une guitare, je sens beaucoup plus directement ma relation à l’univers. C’est un besoin. Je dois pouvoir garder mes yeux ouverts, prêts à accueillir la beauté ; elle peut parfois sembler très lointaine, dans le brouillard. Ca vient aussi avec la perte de l’innocence ; pouvoir voir la beauté du monde, sans aucune anxiété, sans aucune compétition est quelque chose qui se perd. J’ai de la chance, en ce moment, et avec cet album sans doute, les choses se passent bien pour moi. Nous avons déjà joué quelques concerts secrets avec mes musiciens, ceux qui étaient avec moi sur l’album, avec un batteur, un guitariste et un bassiste en plus : ce sont des gens avec qui je prends un immense plaisir à jouer.
Justement, à quoi peut-on s’attendre, sur scène ?
Je joue généralement l’intégralité du nouvel album, je joue aussi quelques titres de Trees Outside the Academy, peut-être un ou deux de Psychic Hearts. On fera même sans doute une reprise. (rires)