Ce samedi, l’ex-Sonic Youth, Thurston Moore était à Paris pour un concert acoustique. Une performance admirable qui en cachait une autre, celle du Japonais Grimm Grimm en première partie.
Sur scène, ce soir-là, Thurston ressemble à un ascète. Chemise blanche, guitare folk, assis devant un simple pupitre, il est bien loin de ses standards habituels. Lui, qui ne s’exprime jamais mieux que dans le bruit, cantonné à une simple guitare-voix… Presque une hérésie. Mais difficile de se défaire d’un son que l’on a forgé depuis plus de 35 ans et l’Américain a beau jouer sur une guitare sèche, dès qu’il se lance Thurston Moore reste Thurston Moore.
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Une version bucolique de Sonic Youth
L’ancien leader de Sonic Youth était à la Maroquinerie dans le XXe arrondissement de Paris, samedi 11 mars, pour un concert en solo, lors d’une soirée organisée par le magazine Gonzaï. La salle est bondée et attend le musicien comme un héros. Le public est hétérogène. On y retrouve des vétérans qui suivent l’Américain depuis les années 1980 comme des vingtenaires – preuve de l’universalité du catalogue de Sonic Youth. Des chansons de son ancien groupe, dissous en 2011, il ne sera pourtant pas question ici. Alors qu’il aurait sans doute pu se contenter d’envoyer Teenage Riot toute la soirée pour plaire à son audience, Thurston Moore choisit au contraire d’avancer. Rentier du rock, très peu pour lui.
S’il joue ici, c’est pour présenter les chansons de son prochain album, Rock’n’Roll Consciousness, prévu pour ce printemps. Il s’en excuserait presque entre deux chansons. Pour autant, l’auditeur se retrouve sur un terrain qui ne lui est pas tout à fait inconnu. Les riffs restent heurtés, la voix n’a pas bougé depuis ses jeunes années. Reste que sa guitare et ses douze cordes donnent aux bouillantes sonorités du New-Yorkais un air presque bucolique – on croirait presque à des reprises par les Feelies.
Un concert politique
A l’image du premier extrait anti-armes à feu, la bien nommée Cease Fire dévoilée au début du mois, le concert se veut politique. Dès la fin de la deuxième chanson, l’Américain s’accorde une digression. Il y sera question de la montée de l’extrême-droite et du fascisme rampant. Un discours qu’il terminera par un appel à la gauche, cette « magnifique classe de l’esprit« . En guise de rappel, il jouera une chanson sur la question du genre, qu’il introduit en insistant sur son côté « fluide« .
Un élément frappe : la précision du musicien. Ses doigts parcourent son instrument avec une virtuosité presque insolente. Ses mains sont immenses, puissantes. Sous leurs coups, la douze cordes de l’Américain est semblable à un vulgaire ukulélé. Jamais le son du guitariste n’aura été aussi clair. Il n’a besoin ni de bruit ni d’effets pour remplir l’espace.
Cette maîtrise est encore plus saillante lors de l’unique parenthèse bruitiste de son set. Quant au milieu de concert il se saisit enfin d’une guitare électrique, c’est pour mieux la martyriser. Les quelques minutes qui suivent, il les vivra dos au public. En tête à tête avec son ampli il joue avec lui à s’extraire des carcans du rock pour s’aventurer vers la musique futuriste. Jamais il ne semble dépassé par les étranges sonorités qui s’échappent de la machine. Mieux, il les dompte.
Une vedette volée par Grimm Grimm
Et pourtant, la grande chanson de la soirée s’appelle Final World War et n’est pas l’œuvre de notre idole du rock indé. Avant lui, jouait, le songwriter japonais Grimm Grimm accompagné de la Française de Volume Courbe. Le jeune homme, exilé à Londres, a déjà publié plusieurs disques sous cet alias ou avec le groupe Screaming Tea Party, jusqu’ici restés confidentiels. Le dernier, qui date de 2015, a été publié sur l’exigeant label ATP – maison par exemple de Fuck Buttons.
Si l’on était feignant, on pourrait comparer Grimm Grimm à Atlas Sound – même écriture classique, même ambiance. Mais Grimm Grimm, c’est surtout tellement plus que ça. Des chansons précieuses où la chair de poule monte un peu plus à chaque nouvel accord. Du folk pour spationaute qui se serait crashé sur une planète couverte entièrement d’eau. Avant cette chute, on espère que ce concert pourra l’aider à décoller.
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