Avec Gier (Manque) de Sarah Kane, après Der Name (Le nom) de Jon Fosse au théâtre de la Colline, et avant La Mort de Danton de Büchner en Avignon, Thomas Ostermeier présente un état des lieux de sa deuxième saison à la Schaubühne de Berlin.
Dans le chantier de la reconstruction de Berlin, Thomas Ostermeier acquit sa réputation de metteur en scène à la Baracke, un préfabriqué fait de cabanes de chantier installé à côté du Deutsches Theater. Avec Fucking and shopping de Mark Ravenhill, Sous la Ceinture de Richard Dresser, ou encore, en revisitant Homme pour homme de Bertolt Brecht, Ostermeier décline sur scène, la violence, le sexe et la cruauté. Il est porté aux nues par la critique, est adulé du public. Devenu depuis 1999, co-directeur avec la chorégraphe Sasha Waltz de la Schaubühne, il fait maintenant scandale de ne plus faire de scandales.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Agé de 33 ans, cheveux coupés très court, pantalon large et baskets aux pieds, Thomas Ostermeier a plutôt le look du DJ de passage que l’allure du directeur de l’une des plus prestigieuses institutions du théâtre allemand. « Vous allez être déçu », annonce-t-il d’emblée quand on lui parle de ses nouvelles créations. « C’est très difficile de faire comprendre aux journalistes et au public qu’un artiste se construit en défrichant de multiples territoires. On m’avait mis dans une case avec une étiquette. Je ne voulais pas être cantonné au rôle rassurant du « jeune rebelle » qui fait son miel du sexe, du crime et de la violence. La seule chose qui me questionne, c’est de raconter des histoires d’aujourd’hui. A la Schaubühne, la pire de mes provocations fut de ne pas donner à l’opinion publique ce qu’elle attendait de moi. »
Représentant d’une génération née dans les années 70, le travail d’Ostermeier se trouve confronté de fait à celui de ceux qu’il appelle « ses pères », les metteurs en scène issus des années 68. Les Stein, Zadek, Bondy ou Castorf, ont construit leur réputation sur le principe d’une signature laissée à chaque mise en scène comme une marque de fabrique. « En Allemagne, monter Hamlet, c’est avant tout répondre à une mise en scène précédente d‘Hamlet. Et ce débat aujourd’hui nous semble vain. » L’esprit de la nouvelle génération est ailleurs, cultivant une vraie méfiance face à l’institution et aux pressions des médias, Ostemeier revendique vouloir travailler à sa façon, même au prix du malentendu. « Nous sommes issus d’une culture de l’underground, nous savons qu’en musique signer avec une major signifie le plus souvent cesser de faire sa musique. Nous devons être vigilant. »
Principalement centré sur les écritures contemporaines, Thomas Ostermeier tente de rendre compte du monde présent à travers les différentes visions des auteurs qu’il monte. Avec Jon Fosse, il cadre en plan fixe un jeune couple qui retourne vers sa famille, se questionne en huis clos sur la prochaine naissance de leur enfant.
Avec Sarah Kane, il installe ses acteurs sur de hautes boîtes devant de simples micros, la fin d’un amour devient un oratorio qui mêle des voix anonymes, se fait l’écho en multiples reflets de nos vies. Enfin avec Büchner, il fait de ses comédiens les marionnettes d’une grande désillusion, celle d’une Révolution française qui se déchire, se dévore de l’intérieur. Trois portraits du monde nourris d’intimité qui, loin de nier les précédents constats de bruits et de fureurs faits par Ostermeier, se rajoutent à ceux-ci et les complètent, témoignent du réel dans ses contradictions. Une prise en compte lucide de l’époque qu’Ostermeier revendique comme la spécificité de sa génération. Une vision noire qui ignore l’ironie comme la mélancolie. « De nos jours, Il n’y a ni chemin tracé, ni vérité absolue. On peut juste croire à l’émergence de ce qui naît. Les temps ne sont plus aux grandes histoires. Ils sont ceux des drames intimes. Nous sommes comme les personnages de Génération X, le roman de Douglas Coupland. Ils ont des petits jobs sans intérêt, ils habitent ensemble pour ne pas être seuls et chaque soir autour de leur table, ils se racontent des petites histoires inventées. Juste pour survivre «
{"type":"Banniere-Basse"}