Baby Bird cesse d’être soit effondré soit radieux, soit pop soit lo-fi : sur ce septième album, il est tout à la fois. Depuis deux ans, le cerveau de Baby Bird, Stephen Jones, aura alimenté les plus folles hypothèses sur le processus créatif. Etudié, interrogé, scannerisé, l’homme n’a jamais expliqué comment on pouvait produire quatre […]
Baby Bird cesse d’être soit effondré soit radieux, soit pop soit lo-fi : sur ce septième album, il est tout à la fois.
Depuis deux ans, le cerveau de Baby Bird, Stephen Jones, aura alimenté les plus folles hypothèses sur le processus créatif. Etudié, interrogé, scannerisé, l’homme n’a jamais expliqué comment on pouvait produire quatre cents chansons en dix ans et trier dans le tas de quoi tirer cinq albums diaboliquement lo-fi en douze mois. En entretenant le mystère, Baby Bird n’a jamais fourni le moindre élément de réponse sur son degré de folie ou de génie. Depuis Ugly beautiful et son glorieux single Gorgeous, on sait que Stephen Jones n’est ni fou ni génial. L’homme-oiseau de Baby Bird ne parle pas aux rochers ni aux arbres comme Julian Cope ; il ne vit pas dans les mêmes sphères incandescentes que Brian Wilson. Il perche près de chez nous mais cultive un beau particularisme que le sens commun se plaît à voir comme une somme de paradoxes : habiter à Sheffield et ne pas « être anglais », rendre la cruauté présentable avec une naïveté de môme, pratiquer la déjante avec un sérieux d’aristocrate, écrire ses chansons au jet d’encre dépressif et les enregistrer avec allégresse. Une démarche dont There’s something going on matérialise l’aboutissement, la phase finale du mal qui ronge Stephen Jones.
Dans ce septième album, ce drôle d’oiseau explore son drame jusqu’au tréfonds, fait face à son miroir et s’autobiographie dans des personnages à peine fictionnels. A l’image de Bad old man (l’histoire de cet animateur TV à la bouche déformée par un demi-sourire qui embrasse les enfants dans son show, moitié mec et moitié dieu, prostitué de l’audimat qui met des lames de rasoir dans la crème glacée), les chansons de Baby Bird rôdent dans le périmètre de l’énigme humaine, recréent les logiques de la double identité et du mensonge, identifient les fuites organisées et les rencontres sans issue, opposent le sentiment et la raison et élisent le désir comme seul chef d’orchestre et la schizophrénie comme seule attitude possible. Musicalement, son psychédélisme doux pratique le même art du chaud-froid. Confiseur en mélodies et marchand de bonheur sur les cinq premières envolées lyriques (Bad old man, les imparables You’ll be mine, Back together,I was never here, First man on the sun…), il enlace dans des spirales de cordes le fantôme de Joy Division, l’opulence de John Barry et la voix de Ian McCulloch.
Puis Baby Bird sonde les univers sombres et violacés de la frustration dans la seconde partie de l’album. Sans pour autant retourner dans ces contrées du passé où il tissait de l’angoisse avec des instrumentations ascétiques et un chant sec , il troque le figuratif et la clarté contre l’avarice de sens et la sécheresse de sons mats et bruts, ordonnés dans des ritournelles vicelardes et sarcastiques. Mis bout à bout, les deux visages de ce There’s something going on font le point sur un Baby Bird en pleine mue, qui semble avoir enfin instauré le dialogue entre deux époques, deux vies et deux personnages. L’ultime étape avant la réconciliation avec soi-même ?
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