Après une série de mixtapes tapageuses et un ep renversant, Theophilus London fait sauter les cloisons musicales sur un premier album passionnant. Critique et écoute.
Qu’on se le dise tout de suite : avec son impressionnant mètre quatre-vingt-quinze, son look impeccable de it-boy newyorkais, sa voix grave et son aura naturelle, Theophilus London a déjà fait la moitié du chemin qui le sépare des couvertures de magazines. Poseur jusqu’au bout des ongles, passionné de design et de costumes hors de prix, l’Américain, né à Trinité-et-Tobago (îles des Petites Antilles) et élevé à Brooklyn, ne manque certes pas une occasion de jouer de ses charmes devant les photographes. Mais il s’avère bien plus passionnant qu’une simple image de papier glacé.
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Sur toutes les lèvres depuis la sortie de ses premières mixtapes, les fascinantes Jam et This Charming Mixtape, ce drôle de rappeur en slim, biberonné au hip-hop de Notorious B.I.G. et de 2Pac, s’est en effet mis en tête de brouiller les pistes. Et d’inviter à sa table les Smiths, le Wu-Tang, Whitney Houston ou Kraftwerk pour un dîner haut en couleur où chacun pioche allègrement dans l’assiette de l’autre.
“Les gens aujourd’hui veulent toujours mettre une étiquette sur ce qu’ils écoutent. Il faut qu’ils estampillent telle ou telle chanson comme de la pop, du rap, du glam-rock ou je ne sais quoi encore. Je pense que cette façon de penser est obsolète. Je n’ai pas envie de rentrer dans ce jeu-là”, explique-t-il.
Obsédé par Michael Jackson à qui il voue un culte démesuré, et dont il admire la façon de s’être mué en caméléon de la pop (“je pourrais en parler toute la journée si on ne m’arrêtait pas”), le jeune homme de 24 ans est un brillant funambule. D’un pas sûr, il s’est lancé sur l’étroit fil séparant les genres musicaux avec Lovers Holiday, ep bombesque d’à peine cinq titres sorti cet hiver, et sur lequel l’apprenti sorcier s’amusait à mettre sens dessus dessous sa collection de disques dans une joyeuse entreprise de construction-démolition sonore.
Electro eighties, rock, power-pop, hip-hop et soul : Theophilus London n’a pas su – ou plutôt pas voulu – choisir, et réitère aujourd’hui l’expérience avec Timez Are Weird These Days, un premier album que les patrons de magasins de disques auront bien du mal à classer dans les bacs et dont le groove s’avère fatal aux hanches et aux mollets. Comme chez ses collègues d’outre-Manche Mike Skinner de The Streets, Jamie T. ou M.I.A., et sa compatriote Santigold, dont le producteur attitré, John Hill, s’est glissé aux commandes de deux titres de l’album, il semble qu’aucune frontière ne soit assez épaisse pour être franchie par l’Américain.
Epaulé par Dave Sitek de TV On The Radio et par l’omniprésent Dan Carey (qui a travaillé avec Franz Ferdinand, The Kills, La Roux…), Theophilus ne se gêne pas une seconde pour maltraiter le son du Motown à coups de beats eighties taillés pour les clubs (Why Even Try), pour convoquer les riffs des BO d’Ennio Morricone et des percussions tribales dans un voyage electrofuturiste (All Around the World) ou pour surprendre son monde avec I Stand Alone, hymne pop païen inspiré du film éponyme de Gaspard Noé.
“C’était très dur pour moi de réussir à mettre tout ce que je voulais dans cet album. Ce disque a une structure eighties dans le fond mais j’ai essayé d’amener ces années-là dans les années 2000. J’aime l’idée que Timez Are Weird These Days ne soit pas lié à une période donnée, qu’on se demande quand il a pu être enregistré”, précise-t-il. “Les gens se limitent alors que les possibilités sont infinies”, ajoute-t-il avant de lâcher, dans une manifestation évidente et plutôt touchante du syndrome de Kanye West, que “cet album est une nouvelle façon de diffuser le hip-hop et la pop”. On prédit que, comme son égocentrique et talentueux aîné, l’Américain, porté par l’imparable tube de l’album Last Name London, conquerra bientôt les clubs, les coeurs et les premiers rangs des défilés.
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