Peux-tu nous parler d’un souvenir musical particulièrement cher ? J’ai vu deux concerts très marquants lorsque j’étais gamin, aux Etats-Unis. D’abord Jimi Hendrix, mon tout premier concert, lorsque j’avais 12 ans. C’était à l’époque de Are you experienced’ et j’aimais sa musique à la folie. Ce soir-là, j’ai trouvé Hendrix assez marrant, plutôt classe, même […]
Peux-tu nous parler d’un souvenir musical particulièrement cher ?
J’ai vu deux concerts très marquants lorsque j’étais gamin, aux Etats-Unis. D’abord Jimi Hendrix, mon tout premier concert, lorsque j’avais 12 ans. C’était à l’époque de Are you experienced’ et j’aimais sa musique à la folie. Ce soir-là, j’ai trouvé Hendrix assez marrant, plutôt classe, même si j’ai toujours trouvé débile qu’il brûle sa guitare à la fin. Ensuite, j’ai vu un concert fabuleux de Sly & The Family Stone, lorsque j’avais 16 ans. Sly et son groupe sont montés sur scène avec quatre heures de retard, mais on s’en foutait, on était heureux… Sly Stone en concert, c’était un grand mégalo, avec une allure incroyable. Avec mon copain, on avait sans doute l’air de deux petits ploucs blancs égarés dans un concert de musique black, mais on ne se rendait compte de rien. A l’époque, on ne savait pas si les chanteurs qu’on aimait étaient des Noirs ou des Blancs. On les écoutait simplement à la radio, sans rien savoir d’eux… D’autres concerts marquants ? The Clash au Palace, pour l’émission Chorus magistral. Et Nick Cave aux Eurockéennes l’an dernier : un show rock’n’rollien, parfait… Parmi les disques récents, j’aime bien le nouveau G. Love & Special Sauce, dont le côté groove vient d’une certaine manière de Sly & The Family Stone. Et chez les plus anciens, j’écoute beaucoup John Prine, dont les textes sont exemplaires. J’aimerais écouter davantage de nouveautés, mais la lecture et le théâtre ne me laissent pas beaucoup de temps.
Parlons de théâtre, justement.
Je vois des pièces au moins deux fois par mois : pour mon éducation bien sûr je viens d’écrire une pièce, La Chanson du Zorro andalou, que je tente de monter , mais aussi pour voir des amis, rencontrer des gens. J’aime terriblement le théâtre, j’en ai fait avant de faire de la musique. Même à Spokane, ma ville natale, j’ai vu des choses qui m’ont beaucoup marqué du Shakespeare, par exemple, que j’aimais énormément en raison de son humour, de cette abondance de mots. Malheureusement, aujourd’hui, je ressors souvent déçu : je peux aimer les comédiens, certaines idées de mise en scène ou une partie du texte, mais globalement, je ne suis pas satisfait. Trop souvent, les théâtreux parlent aux théâtreux, et moi, ça ne me touche pas. Par contre, j’ai vu une mise en scène de Didier Bezace sur deux pièces de Brecht, Noce chez les petits-bourgeois suivi par Grandeur et misère du IIIème Reich, et j’ai trouvé ça formidable, la meilleure chose que j’ai vue en France. La mise en scène était nickel rythmée, poétique , peaufinée dans les moindres détails, et même si je ne suis pas un fanatique de Brecht, le texte était un véhicule magnifique. Tout s’enchaînait parfaitement, alors que le théâtre manque souvent de rythme, de vision. Sur une scène, c’est comme pour la musique, il faut trouver la bonne mise en place, une justesse, sinon on ne pénètre pas le coeur du public. Or là, je suis ressorti en me disant « Je n’ai rien à dire. » C’était en début d’année, à la Cartoucherie, et il faut noter que Bezace va monter ce spectacle prochainement à Aubervilliers. Un autre conseil : regardez Qui a peur de Virginia Woolf ?, le film de Mike Nichols d’après le texte d’Edward Albee qui est un chef-d’oeuvre absolu et qui passe sur Arte le 16 novembre.
Tu es toujours un grand consommateur de cinéma ?
Récemment, avec le disque que je préparais, je n’ai pas eu beaucoup de temps. Pourtant, le cinéma est pour moi une sorte de drogue. Un peu comme le sport dont je suis devenu totalement fanatique depuis 88 et la fin du championnat américain de base-ball. Le base-ball est une discipline sportive extrêmement poétique, avec son histoire, son folklore, mais ça, c’est une autre histoire… Pour en revenir au cinéma, je viens de voir Le Destin de Chahine, que je n’ai pas du tout aimé. Ça m’a fait penser à ces vieux films chinois qui nous expliquaient que la lutte des classes était difficile. Avec Chahine, on apprend que les intégrismes et les fanatismes ne sont pas bons, le tout en version un peu Disney, merci beaucoup… Mon réalisateur préféré ? Robert Altman, depuis longtemps. J’adore Un Mariage, John McCabe, Nashville, M.A.S.H. évidemment. Même les moins réussis, comme Prêt-à-porter, me plaisent beaucoup. Au niveau de la narration, de ces histoires parallèles qui se mêlent, on ne fait pas mieux. Le choix des comédiens est incroyable, toujours riche, et l’utilisation du son parfaite. Et puis l’oeuvre d’Altman est bourrée d’humour. Plus américain que lui, tu meurs : ce type est vraiment dans le grain, dans la chair du pays, et d’ailleurs quand il s’échappe de son sujet de choix, comme dans Quintet, il est beaucoup moins bon. Je crois qu’Altman est assez aigri, mais que son amour pour ses personnages finit toujours par resurgir. J’ai eu la chance de le rencontrer une fois à Los Angeles et on a parlé de pêche à la truite… Sinon, j’adore Papa est en voyage d’affaires, de Kusturica. Pour moi, ce film-là est tout ce qu’on doit faire au cinéma. C’est fort, drôle, émouvant : il m’arrive de revoir une photo tirée du film et d’être quasiment ému aux larmes… J’ai vu beaucoup de films de la Nouvelle Vague française, mais je ne suis jamais rentré vraiment dedans. Je n’aime pas trop Godard, mais c’est sans doute une histoire de culture, de vécu : pour moi, les Français ne peuvent pas comprendre Bob Dylan comme moi je le comprends, et de la même manière, je ne peux pas être touché par Godard comme un Français. Rohmer, j’adhère déjà davantage. J’ai adoré Conte d’été. Par contre, Truffaut, je trouve ça trop gentil, même si Jean-Pierre Léaud me touche beaucoup.
Pour finir, peux-tu nous livrer quelques pistes littéraires, tes préférences du moment ?
Je lis toujours beaucoup d’Américains, mais l’engouement actuel pour les auteurs masculins tous ces types qui ont exactement les mêmes névroses me dérange de plus en plus parce que du même coup, on oublie de parler des femmes. Il y en a d’excellentes : Kaye Gibbons, par exemple, qui a écrit un livre qui s’intitule Ellen Foster, ou encore Annie E. Proulx, l’auteur d’un roman magnifique, Accordion crimes. Deux formes d’écriture très riches, très touchantes, à découvrir d’urgence.
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Theo Hakola Overflow,(Musidisc).
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