Le Décaméron de Boccace a inspiré au Théâtre A Spirale un parcours de théâtre, véritable promenade de santé.
Tout commence par une terrible histoire de peste. L’épidémie a envahi Florence, un groupe de jeunes gens (cinq hommes et cinq femmes) fuient la ville et vont attendre des jours meilleurs à la campagne. Pour occuper leurs longues soirées, ils se racontent des histoires. Boccace en a fait un livre, Le Décameron qui, sous couvert de contes, tire à boulets rouges sur la religion et ses cohortes de vrais culs bénits, ascètes de pacotille et autres bondieuseries, règle son compte aux innombrables guerres de religion, peint une société pleine de raffinements, qui pratique la luxure à tous les étages tout en feignant de condamner le moindre excès et qui joue du couteau, de la torture et de la pendaison à tout-va. Les femmes y sont gourmandes, malignes, débordantes de vie ; les hommes crapuleux, crédules et plutôt bêtes, persuadés d’être « les plus beaux et les mieux faits ».
Prenant le parti simple du plaisir à partager, dix comédiens armés d’une belle fougue, d’un humour décapant et d’une solide pratique de leur art nous embarquent dans un périple à travers le bâtiment qui abrite le Théâtre de la Cité internationale à Paris. L’édifice se prête à merveille au jeu, se transforme par la force de conviction des acteurs en un véritable palais italien. Après un prologue dans l’un des longs couloirs, on se promène sur le balcon qui longe la salle dite de la Resserre. Là commence L’Epopée des femmes, d’où l’on tirera quelques grandes leçons de survie. Comment une femme douce et fragile peut, poussée par son destin, se muer en un solide gaillard ? Eh bien, en suivant quelques conseils pratiques allant de l’art du déchaussage à sa perspicacité à voir en l’homme un loup pour l’homme et à ne pas hésiter à sauver sa peau sans état d’âme. Tedaldo, la deuxième histoire, donnera lieu à quelques scènes hollywoodiennes, happy-end compris et surtout à une hilarante démonstration de fornication qui donne tout son sens à l’expression « mettre le diable en enfer ».
Le parcours reprend via une traversée de la bibliothèque de la Cité internationale où l’on sent l’odeur de l’étude, imprégnée depuis quelques centaines d’années sur les vieux bureaux de bois lourds, éclairés par des lampes Napoléon. Dans une autre salle, la Galerie, on découvre les passions déchaînées par la beauté d’Alatiel, fille de sultan, victime d’un naufrage qui sera récupérée dans les lits de chrétiens, orthodoxes, capitaines, ducs, châtelains, y connaîtra toutes les extases et se mariera néanmoins, telle une vierge, au roi de son pays retrouvé. Quelques morceaux de tissus moirés, des planches en équilibre et une baignoire feront l’affaire pour jouer le naufrage, les sultans et les cavernes d’Ali Baba. Toujours bourrés d’idées et encore frais comme des gardons malgré les trois heures de spectacle déjà écoulées, les comédiens passent d’un personnage à l’autre, jouent les hommes et les femmes indifféremment, se saisissent du gros livre de Boccace pour rythmer leur parcours. Après la pause, on entame une traversée en plein air vers La Vallée aux dames avant les Nocturnes. Une joyeuse journée passée en bonne compagnie, le spectateur-voyageur n’en demande pas plus, la tête pleine de ces contes, comme un enfant avant de s’endormir. On peut préférer les rendez-vous successifs et goûter le voyage soir après soir, le plaisir est égal.
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