C’est avec un album bouleversant de mélancolie que l’Anglais Nick Talbot confirme : son groupe Gravenhurst est une des meilleures raisons d’aller chercher loin derrière les façades gominées de l’Angleterre rock d’aujourd’hui
Il existe, quelque part dans le sud-ouest de l’Angleterre, une région qui semble avoir été épargnée par le très médiatique et récent retour des guitares. Une région dont les représentants n’occupent aujourd’hui que rarement la couverture du NME, quand il y a dix ans, sa capitale, Bristol, s’était au contraire rapidement retrouvée sous les feux de la rampe, notamment grâce à ses plus célèbres figures : Massive Attack et Portishead. Cette ville, l’Anglais Nick Talbot y était justement arrivé en 1996 et ne l’a plus quittée depuis. C’est dans la grande banlieue de Bristol qu’il a façonné une bonne partie des morceaux qui aujourd’hui constituent The Western Lands, le quatrième album de son projet Gravenhurst.
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Ce qu’on ressent dès le très beau morceau d’ouverture, Saints, c’est que les fantômes qui cabotent depuis toujours le long des disques de Talbot n’ont pour leur part pas bougé d’un poil : The Western Lands est un véritable album hanté, sur lequel continuent de planer les spectres du post-rock de Tortoise et du krautrock allemand de Neu. Dans la lignée de celles de Slint, de Yo La Tengo ou parfois même, jolie coïncidence littéraire, de Caravan, les compositions de Talbot sont à la fois profondément mélancoliques, calmes et d’une violence inouïe, de véritables pierres tranchantes nichées dans un écrin de velours noir. Plus tard, c’est à d’autres artistes que l’on pense, de Sandy Denny, la chanteuse de Fairport Convention à qui le très beau She Dances est dédié, à William S. Burroughs – le titre de son roman de 1986 a donné son nom au disque.
Pour autant, l’album de Gravenhurst ne ressemble en rien à un agencement artificiel de morceaux. En ressort au contraire une cohérence inattendue, qui rappelle d’emblée celle qui émane des disques de Sonic Youth, cousins non éloignés du jeune Nick Talbot pour cette manière de décomposer comme de composer la musique. “Je pense souvent que je serais mieux accueilli par la presse anglaise si j’étais américain. Je suis dans une situation assez délicate : en Angleterre, la presse raffole des groupes indie, des gangs de chez elle. Elle sait par ailleurs apprécier l’americana et ouvrir son esprit lorsqu’il s’agit d’artistes moins lisses venant des Etats-Unis. En revanche, composer ce genre de musique ici, c’est beaucoup plus difficile à faire accepter. Je suis beaucoup plus soutenu à l’étranger.” Le NME ne sait pas ce qu’il manque et on le remercie : il est de ces trésors qu’on est heureux de savoir bien cachés.
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