On est allé à Londres pour voir The Weeknd en milieu de semaine. Un concert maîtrisé où le Canadien a parfaitement assumé les contradictions de son nouveau statut, entre discrétion et extrême popularité.
Mercredi soir, à Londres, The Weeknd avait rendez-vous avec la démesure de sa réputation. En à peine quatre années, le gamin discret de Toronto s’est transformé en superstar globale de l’industrie du spectacle. Et l’époque des premiers morceaux anonymes partagés en secret sur Internet semble aujourd’hui aussi irréelle que l’impressionnante file d’attente qui serpente sur Chalk Farm Road pour nous conduire au pied du Roundhouse.
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Douceur électrique
20h30, la salle de Camden affiche complet. À l’intérieur les derniers fans du chanteur se pressent pour s’assurer une place de choix en bord de scène. Les lumières s’éteignent, un décompte de 60 secondes se charge d’exciter l’ambiance pour anticiper l’apparition de The Weeknd. Le Canadien débarque pile à l’heure devant une foule immédiatement admirative et dans une ambiance de stade de foot renforcée par la configuration circulaire du Roundhouse. Les tubes mondialisés de Beauty Behind the Madness – son dernier album qui l’a consacré – s’enchaînent en ouverture. Prisoner, Losers et une version en réalité augmentée de Often prouvent rapidement l’incroyable variété de tons et d’intentions de la musique sans genre de The Weeknd.
Moins sirupeux que sur disque, entre douceur et électricité, Abel Tesfaye (l’état civil derrière l’alias) captive l’assistance par les fulgurances cristallines de sa voix androgyne plaquée sur des productions étirées entre hip-hop, EDM, soul classique et électro. Les trois musiciens qui surmontent l’estrade assurent la caution organique d’un show digital qui confirme l’étrange aisance de The Weeknd, un artiste capable d’évoquer Michael Jackson, Aaliyah, Skrillex, l’épilepsie de la techno ou l’élégance des meilleures B.O de James Bond.
Le grand frisson du concert arrive d’ailleurs sur un morceau qui compile la plupart des références et des formats précités avec la relecture désormais classique du Drunk In Love de Beyoncé. La reprise attendue de l’hymne viral de l’année 2014 éclate la bulle d’admiration contemplative du Roundhouse. Tout le monde reprend le refrain. Certains s’abandonnent même aux postures lascives suggérées par les paroles.
Retour vers le futur
Dans une mise en scène épurée qui rappelle la série de concerts-expos de Kanye West à la Fondation Louis Vuitton, The Weeknd poursuit sa séance de séduction avec des morceaux piochés dans son répertoire minimaliste du début des années 2010.
Le merveilleux House of Ballons/Glass Table Girls rappelle judicieusement l’origine du succès du chanteur avant l’ovation attendue pour Can’t Feel My Face, dernier témoin de son explosion populaire et médiatique. Entre ces deux balises, le chanteur a choisi de désépaissir le brouillard sonique qui enrobait ses productions anonymes pour éclater en pleine lumière, à la faveur de morceaux plus solaires, taillés pour les clubs et les radios. Le jeune adulte torturé semble avoir définitivement laissé place à un entertainer assuré, qui n’hésite pas à exécuter les pas de danses rendus célèbres par Michael Jackson devant une foule de 3000 personnes.
Mais au plus fort de l’excitation, un écran rouge sang feinte la fin du concert. The Weeknd fait alors mine de s’échapper hors de scène avant de revenir délesté de ses accents pop et sous un éclairage nettement plus sobre pour un rappel en forme de mise à nu. High For This et Wicked Games, deux de ses compositions les plus dépouillées, sonnent alors la fin du bal. Idéal pour retourner vers le futur confortable de 2012. Et souffler, à qui veut bien l’entendre, la plus véritable de ses zones d’expression.
Par Azzedine Fall
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