Pour ses 45 ans, riche réédition du troisième Velvet, un groupe alors faussement serein, toujours toxique. Critique et écoute.
Certains albums sont des actes fondateurs absolus, des classiques indiscutables, des pierres angulaires de beaucoup de choses à venir. Ainsi va, en matrice du genre, le premier album du Velvet Underground – dit “à la banane”. Il y a les albums importants pour l’histoire, et ceux pour les auditeurs, leur vie, leur construction ; il y a les albums fondamentaux, et les préférés.
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A l’évidence moins radicaux, moins défricheurs, moins historiques mais pourtant ceux vers lesquels on se tourne en cas de doute, de confusion. Ainsi va le troisième album du Velvet Underground – dit “au canapé” (1969). Un album avec lequel on entretient depuis la jeune adolescence une intimité, une complicité, une tendresse intouchables : un album-doudou, en somme. Un album auprès duquel on se reboote, on se réétalonne.
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“J’en suis arrivé à un point où je préfère les ‘jolies’ choses plutôt que la distorsion, parce que l’on peut être plus subtil et apporter ce calme dont beaucoup de gens semblent avoir maintenant besoin”, dira à l’époque Lou Reed.
Et effectivement, entre déviances sombres et beauté claire oscillera avec perversité et génie ce disque immense d’après-tempête, d’après la peur, d’après le chaos : juste la félicité d’être debout, vivant, survivant. Un disque qui fait du bien, en baume, là où White Light/White Heat lacérait quelques mois avant les chairs et les âmes. Ballades bleu nuit, mais jamais bluettes, ces chansons enveloppent pour mordre – toxiques sous leurs airs charmeurs, plus que toutes autres. Innocemment, combien de nuits blanches a-t-on passé dans ce canapé défoncé, dans les riffs stricts et bienveillants de ces merveilles d’apaisement que restent Pale Blue Eyes ou Candy Says, sans en mesurer le danger, la gravité ?
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Redécouvrir aujourd’hui ces chansons inscrites à même l’ADN dans des mixes différents ou, surtout, dans des versions live d’époque revient à croiser de vieux amis, des siècles après : les corps changent, mais la voix et les yeux ne trahissent pas. Et, avachi sur le canapé, on reprend exactement la conversation où on l’avait laissée. La grande joie, ici, est de retrouver les deux concerts au Matrix de San Francisco en novembre 1969, partiellement utilisés sur 1969: The Velvet Underground Live, un des meilleurs live de l’histoire, hypnotique et comateux. Par contre, toutes les sessions de cette riche année 69 ici regroupées ont déjà fait l’objet de rééditions, sur les albums VU ou Another View. Le tout est nécessaire, même en 2014 – on y entend par exemple les Parquet Courts, très souvent. Qu’on me pardonne cette nostalgie. Comme disait Lou Reed : “Je déteste la nostalgie. Sauf quand c’est la mienne.”
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