Au sommet de la gloire internationale et un second album presque bouclé, les Ting Tings ont décidé de n’en faire qu’à leur tête, de dire fuck à leur label et de tout jeter à la poubelle, pour mieux recommencer. Ils racontent tout de cette drôle d’histoire.
Comment avez-vous annoncé au label que vous aviez effacé tous vos morceaux?
Katie : On ne l’a pas vraiment fait. On a juste un peu disparu de la circulation pendant quelques semaines, jusqu’à ce qu’ils nous recontactent. « Pouvez-vous nous envoyer les morceaux ? » « Non, impossible. » « Envoyez-nous simplement les démos qu’on a entendues, alors… » « Impossible : on les a effacées. » Puis on est de nouveau retombés dans le silence pendant quelques semaines.
Quelle a été leur réaction ?
J’imagine qu’ils ont du être assez furieux… Mais Mike Pickering est un excellent directeur artistique. Ou, au contraire, on pourrait presque dire qu’il est un mauvais directeur artistique, dans le sens traditionnel, parce qu’il te laisse tout seul. Mais il sait que c’est la meilleure chose qu’il puisse faire. Le problème n’a d’ailleurs jamais été lui ou Rob, ils ne sont pas vraiment intervenus, ce ne sont pas eux qui sont venus nous voir à Berlin. Ils savent qu’ils ne peuvent pas s’asseoir dans notre studio et nous glisser « Ouh, avez vous remarqué à quel point la dance music est énorme en ce moment à la radio ? »
Justement, j’ai lu que vous n’aimiez pas ces premiers morceaux parce qu’ils étaient trop influencés par ce qui marchait à la radio, par l’eurodance…
Ce n’est pas tout à fait ça : ils n’étaient pas influencés par ce qu’on écoutait à la radio, pour la simple raison qu’on n’écoutait pas la radio quand on était à Berlin. Ce qui s’est passé est que quand on s’est mis à réécouter ce qui passait, on s’est rendus compte que le genre était omniprésent, et qu’on était en plein dedans. Et ça nous a tellement vite ennuyés… Pourquoi écrire des chansons qui nous ennuient déjà ?
Jules : On devait aussi penser à la scène, se dire qu’il allait falloir, pendant deux ans de tournée, avoir la passion, l’énergie de jouer ces morceaux. La manière dont on joue, sur scène, est généralement assez compliquée, je joue de la guitare, de la batterie, on a des tonnes de pédales, il n’y a rien d’enregistré. Mais ces chansons qu’on avait enregistrées nous ont justement inquiétés pour ça : on se serait vite fait chier, à simplement pousser des boutons en les jouant live… Ca ne nous semblait pas honnête. C’était mou, pas assez compliqué, pas assez profond.
Vous vous êtes isolés pendant près de 9 mois à Berlin : vous n’avez pas eu peur, à un moment donné, de perdre toute perspective sur ce que vous faisiez ?
Je crois que ça a justement été tout l’inverse. Quand tu as connu le succès commercial qu’on a connu, c’est très difficile de t’en détacher. C’est imprimé sur ton front, en lettres capitales. Les Ting Tings, That’s Not My Name : voilà ce qu’on est, la boîte dans laquelle on nous a mis. Tout le monde attend à ce que tu sois à nouveau cette chose. Le label se prépare à exploiter cette petite boîte, et ils savent bien le faire. Le problème pour nous est justement de nous échapper de ça. C’est ce qui est admirable chez quelqu’un comme Madonna : la manière dont elle a réussi, de manière assez indépendante, intelligemment, à se réinventer en permanence. Il doit pourtant y avoir pas mal de gens qui poussent pour qu’elle écrive toujours les mêmes tubes, encore et encore et encore, en changeant juste deux ou trois paroles… Je plaisante, mais à moitié. Quand le succès nous est tombé dessus, on s’est dit à un moment que ce serait drôle, ou non, pas drôle mais intéressant, de tout simplement splitter. On se demandait ce qui allait venir ensuite. Le nombre de number one hits que tu obtiens n’a pas d’intérêt : une fois que tu as connu la sensation, qui est géniale, elle ne revient jamais. Sachant cela, je ne voulais pas tomber dans cette recherche du tube à tout prix. C’est fait, passons à autre chose.