Au sommet de la gloire internationale et un second album presque bouclé, les Ting Tings ont décidé de n’en faire qu’à leur tête, de dire fuck à leur label et de tout jeter à la poubelle, pour mieux recommencer. Ils racontent tout de cette drôle d’histoire.
Vous attendiez- vous au succès de We Started Nothing ? Comment survit-on à quelque chose d’aussi violent?
Jules : Non, on ne s’attendait à rien du tout. Dans ce groupe, on vit les choses au jour le jour, sans jamais rien planifier : les choses, quelles qu’elles soient, viennent d’elles-mêmes. Ne rien planifier est même un besoin, pour nous. Instinctivement, nous sommes tous les deux des control freaks. Tout doit être sous notre contrôle : la musique, les voyages, tout. Et c’est un moyen de nous occuper l’esprit : on n’a jamais vraiment le temps de penser à ce qui nous arrive, donc on n’a pas le temps d’avoir la grosse tête, de devenir dingue. Ca a été le cas avec We Started Nothing : on a tout fait nous-mêmes, on a passé notre temps à aller d’un endroit à un autre, à bosser sur nos laptops, à travailler sur les visuels. On avait notre propre truc avant qu’il ne devienne énorme. Quand nous avons pris la tête des charts en Grande-Bretagne, on était en pleine tournée : on allait de Leeds à Manchester, on a reçu un coup de fil, « Vous êtes number one! », on a fait « Super! », on était ravis, et on a bu un coup…
Katie : Je me souviens avoir fait une énorme machine le soir même, dans une laverie, parce qu’on ne l’avait pas fait depuis des semaines (rires)…
Jules : Et on n’a pas arrêté de bouger, on a commencé à cartonner aux Etats-Unis quand on était au Japon, au Japon quand on est revenus en Grande-Bretagne, on n’était jamais dans le même pays, ça déconnecte forcément un peu de tout ça. Et encore une fois, on était tellement occupés, tout le temps, qu’on n’y pensait pas plus que ça.
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Ca a toujours été plaisant, cette période ? En tant que control freaks, vous n’avez jamais senti, à aucun moment, que les choses vous échappaient ? Katie, tu as fini par tomber malade, pendant la tournée…
Katie : On a toujours pris du plaisir, mais nos corps ont fini par s’épuiser. Totalement. Par ne plus vouloir de tout ça. Il a fallu que l’un d’entre nous tombe malade, moi en l’occurrence, pour qu’on dise « Stop », je crois qu’on n’aurait jamais été capables de le faire sinon. On devient vite accroc à la tournée. Mais c’est à double tranchant. C’est cool, mais ça ruine la santé, comme ça ruine les vies personnelles. C’est assez étrange : ton corps finit par à la fois être épuisé, mais par aussi avoir besoin de bouger, de cette excitation, d’être dans une nouvelle ville tous les jours. Jusqu’au moment où la fatigue prend le dessus sur tout le reste.
Jules : Je crois qu’on a encore plus appris avec cet album qu’avec le premier. On a tout fait pour rester honnêtes et vrais. Dans l’industrie du disque, si tu n’es pas trop stupide, c’est très simple de faire fructifier un succès, de te marketer, de faire les bonnes choses au bon moment. Mais c’est quelque chose qu’on n’aime pas faire. Qu’on ne sait pas faire : si on joue un show sans honnêteté, sans un peu de chaos, tout s’effondre, parce que nous ne sommes pas de bons acteurs. Il y a tellement de meilleurs acteurs que nous ; ils ont de super looks, ils font les couvertures des magazines, sont en permanence sur le tapis rouge, mais ils ne disent rien. Ils n’ont rien, rien du tout à dire. Si je n’ai à répondre qu’à des questions stupides, j’ai l’impression que rien de ce que je fais n’a d’importance. J’ai besoin d’être créatif, dans tous les sens. De passer deux jours à bosser comme un fou sur une production, sur un film, de choisir le mec avec qui je vais bosser, de penser à quelle caméra je vais utiliser pour tel ou tel clip. C’est en s’impliquant comme ça que les choses deviennent excitantes, que j’ai l’impression d’avoir quelque chose de réel à donner aux gens.
Vous n’avez pas souffert d’un problème d’image ? Présentés comme un groupe pop préfabriqué alors que vous faites tout tous seuls, en do it yourself ?
Katie : Je ne sais pas. Une artiste comme Ke$sha, qui partage le même label que nous, a elle été vraiment « poussée » dans l’ultra-pop : elle a été présentée, dès le départ, comme ça. Je crois qu’on a pour notre part jamais réellement compris à quel point on a pu être « populaires », au sens commercial du terme. On a joué devant 40 personnes au début du groupe, devant 50000 personnes à Glastonbury ou à Solidays : c’était exactement les mêmes shows, ou du moins on était les mêmes personnes. Les Ting Ting sont comme beaucoup de groupes : on a une image ambivalente, on peut nous prendre pour un groupe très indé, ou on peut nous prendre pour un groupe totalement commercial. Nos clips ont joué, sur ce point : on y joue rarement de nos instruments, on peut donc passer pour quelque chose d’assez faux. Mais quand les gens viennent nous voir sur scène, ils voient de « vrais » musiciens, ils sont surpris, ça les rend fous. Mais nous ne sommes pas des politiciens : nous ne sommes pas là pour vendre une image, quelle qu’elle soit, de nous-mêmes.
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