Après leur énorme show à Rock en Seine cet été, The Streets étaient de retour en France la semaine dernière pour un nouveau concert à Paris. Rencontre avec Mike Skinner quelques heures à peine avant qu’il n’enflamme l’Elysée-Montmartre.
La dernière fois qu’on a vu Mike Skinner, c’était il y a un peu plus de deux mois. Everything is Borrowed n’était pas encore sorti ; lui était en mode blagueur, plutôt détendu malgré les heures de promo qui l’attendait. On avait rigolé sur la taille des sachets de sucre allégé (« C’est allégé parce qu’il y en a moins en fait » avait lancé Mikinou, fier de sa découverte) et on l’avait gentiment taquiné sur son arrivée en BM vitres teintées et lunettes Gucci. Quelques heures avant son concert à Paris, c’est cette fois-ci un peu affolé qu’on retrouve la tête pensante de The Streets dans sa loge. Mike est à la bourre : il n’a pas fait ses balances, sort d’un shooting photo, et n’a même pas eu le temps de se changer. Du coup, c’est devant nous qu’il le fait. On propose de sortir. « Non non, c’est cool reste ». Mike débute donc l’interview en caleçon. Sympa.
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« Quand j’y repense, je me dis que j’ai eu beaucoup de chance à Rock en Seine. Jouer sur la grande scène au dernier moment… on était tellement contents. Les festivals sont toujours des concerts particuliers. C’est très différents de jouer dans des petits clubs comme celui-ci » explique Mike en enfilant son pantalon. Le petit club dont il parle, c’est l’Elysée Montmartre. Dans moins de trois heures, la salle sera pleine et bondira au son de Fit But You Know It.
En tournée depuis deux mois maintenant, Mike et sa bande ont écumé toute l’Europe pour promouvoir Everything is Borrowed. « Cet album ressemble beaucoup plus à ce que je faisais au début que The Hardest Way to Make an Easy Living. Beaucoup de gens ont dit qu’Everything is Borrowed était plus joyeux que les précédents. Pourtant, c’est l’album qui m’a pris le plus de temps, qui a été le plus dur à écrire. C’est un album heureux, mais dans un esprit de rébellion » rigole le Britannique.
Il aura en effet fallu deux ans à Skinner pour donner naissance à ce quatrième opus. Deux ans durant lesquels les sessions d’enregistrement se sont succédé. « Les premiers titres que j’ai enregistré pour Everything is Borrowed n’étaient pas convaincants. Je n’étais pas content de ce que j’avais fait. On a donc tout recommencé à zéro. Les seuls morceaux qui ont survécu sont ceux qui étaient un peu plus philosophiques que les autres » confie-t-il. A presque trente ans (il fêtera son anniversaire dans quelques jours, le 27 novembre), Skinner semble un peu apaisé, mais ne veut pas tomber dans le cliché du nouveau sage. « Je ne pense pas que le fait que je sois plus vieux ait réellement changé quelque chose. Je n’ai pas développé une nouvelle spiritualité en vieillissant. J’ai juste eu envie de faire un album plus universel, moins autocentré » raconte-t-il en sirotant son thé.
[attachment id=298]Sur Everything is Borrowed, Skinner a délaissé ses habits de chroniqueur acerbe de l’Angleterre et s’est éloigné de ce qu’il connaît le mieux : la vie moderne. Mike a fui son pays et ses travers – en témoigne la vidéo de The Escapist, où il apparaît marchant le long des routes de France, de Calais à la dune du Pyla. « J’avais besoin de m’évader (traduction littérale de « escapism »). C’est quelque chose de particulièrement anglais je crois. On vit sur une île, et on a besoin d’en sortir parfois. Je ne suis pas sûr que les Français puissent comprendre ça ». Et quand on lui fait remarquer que la pochette d’Everything is Borrowed n’est autre qu’une photo d’Islande, une autre île, Skinner y voit plutôt un signe précurseur. « En fait, je voulais juste une photo sans la moindre trace de vie humaine et assez colorée pour être remarquée. Ce qui est dingue, c’est que cette pochette et le titre de l’album (« tout n’est qu’emprunt ») correspondent parfaitement à ce qui se passe aujourd’hui avec la crise financière. A l’époque où j’ai crée le disque, c’était totalement inconscient, mais ça a beaucoup de sens maintenant. J’ai eu du nez je crois » se marre-t-il.
A peine deux mois après la sortie d’Everything is Borrowed, Mike Skinner pense déjà à la suite, son dernier album sous le nom de The Streets. « Il devrait s’appeler Computers and Blues. Ce sera un album très futuriste, l’opposé de celui-ci d’une certaine façon. Il sera plus dans la veine de mon premier album, plus dansant et plus verbeux. J’ai beaucoup écrit pendant cette tournée, j’ai hâte de retourner en studio pour enregistrer ces nouveaux titres et en finir définitivement avec The Streets ». Ses projets pour la suite ? « Rien de très concret. J’aime l’idée de ne rien avoir de prévu. J’aimerais faire un film, on verra bien » dit-il, évasif.
Avant la mise à mort programmée de son groupe, le Britannique a encore quelques concerts à donner. Dont celui de ce soir. Devant une salle presque comble, et plutôt surexcitée, The Streets entrent en scène sur Everything is Borrowed. Après leur prestation explosive à Rock en Seine cet été, on connaissait les talents de showman de Mike et sa bande. « Est-ce que vous m’entendez ? Est-ce que vous me voyez ? Je ne suis pas Amy Winehouse les gars. A trois, sautez avec moi » hurle-t-il. Malgré quelques problèmes de son, le flow de Skinner envahit l’Elysée-Montmartre au fur et à mesure que les nouveaux et anciens titres défilent. Les bras se lèvent sur la très belle The Escapist, le public obéit au doigt et à l’œil à Skinner qui, comme à Saint-Cloud trois mois auparavant, s’amuse à faire baisser, plus relever les spectateurs. Après une heure de show, il réapparaît pour interpréter la magnifique Dry Your Eyes et l’imparable Fit But You Know It, avant de quitter son t.shirt (décidemment), courir entre les deux rangs formés par la foule et se faire ramener sur scène en slammant. Hé Mike, tu reviens quand tu veux.
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