Cette chronique aurait pu commencer en musique, genre refrain nostalgique sur un air d’Aznavour : “Je vous parle d’un temps que les moins de 10 ans…” Mais ça ne ferait pas sérieux. Et ça ne serait pas adapté. Parce que ces dix années-là sont passées rudement vite, ne laissant aucune place aux regrets, interdisant toute […]
Cette chronique aurait pu commencer en musique, genre refrain nostalgique sur un air d’Aznavour : « Je vous parle d’un temps que les moins de 10 ans… » Mais ça ne ferait pas sérieux. Et ça ne serait pas adapté. Parce que ces dix années-là sont passées rudement vite, ne laissant aucune place aux regrets, interdisant toute mélancolie. Dix ans, donc, depuis la sortie du premier album des Stone Roses, disque essentiel, disque symbole (pour faire simple : le meilleur album pop-rock anglais de la fin des années 80). « Dix ans : une éternité », commenteront les érudits de la musique populaire, qui n’auront pas tout à fait tort. « Dix ans : c’était hier », s’obligera-t-on à leur répondre avec une mauvaise foi qui n’étonnera personne, persuadé que si la musique populaire a effectivement élargi le spectre de ses expressions durant cette décennie riche en imagination, aucun élément tangible ne nous amènera à penser que The Stone Roses est un disque daté, une relique du passé. Car en cette année 1989 où l’on aima aussi passionnément des disques des Pixies, de Public Enemy, de 808 State , le groupe le plus sexy de la planète eut l’heureuse idée de façonner un disque construit pour durer, une machine à fredonner équipée de petits moteurs à explosion montés en série. Trop félines et rusées pour se laisser dompter, ces mélodies n’ont pas d’âge. Elles sont animées d’une foi et d’une énergie primale auxquelles se sont depuis nourris les plus recommandables des groupes pop modernes. Elles ont surtout été écrites par deux mélodistes hors pair, Ian Brown et John Squire (incapables d’ailleurs d’écrire l’un sans l’autre), soutenus par la charnière centrale la plus racée et la plus loubarde que l’on ait vue de ce côté-ci des stades de foot : Reni et Mani, véritables Thuram-Desailly du rock. En 89, portée par le souffle joyeux d’un mouvement communautaire parti de Manchester, la musique des Stone Roses avait remis le mot « ferveur » à l’ordre du jour. Le plus étonnant dans le constat qu’on s’oblige à formuler dix ans plus tard, c’est que cette dimension mystique a aujourd’hui déteint sur des chansons que l’on avait d’abord crues anodines, les très sous-estimées Bye bye badman, Elisabeth my dear ou (Song for my) sugar spun sister, petits trésors d’écriture qui en disent finalement plus long sur le talent si particulier de ce groupe ensorceleur que ses cantiques inscrits dans les livres d’histoire pop.
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