Le génie américain à l’œuvre sur cet album épique et inégal.
Des albums comme The Stand Ins ou Black Sheep Boy, aux arrangement aussi sophistiqués, aux textes aussi finement ciselés, un groupe de rock habituel n’en sort généralement qu’un tous les trois ou quatre ans, voire un dans une vie –et pour beaucoup : aucun dans une carrière entière. Mais l’inspiration de ces Américains ignore tout du rationnement, du raisonnable, et c’est désormais chaque année qu’Okkervil River revient, en crue d’idées, irriguer l’Americana. Un état de grâce qui permettait même à Jonatahn Meiberg d’alimenter en mélodies de cristal et mélancolie délicieuse deux groupes : Okkervil River (dont il vient de démissioner) et Shearwater. On frise l’insolence, l’humiliation pour tant de songwriters orpaillant eux aussi, mais en ne récoltant que des pierres et peu de pépites, sur les mêmes rivières parties de quelques sources en altitude – de Neil Young à Tim Hardin, de Scott Walker à Gram Parsons. Suite (et chutes) de The Stage Names, un des chef-d’œuvres oubliés de 2007, The Stand Ins rappelle à quel point le storytelling est ici une affaire d’état. Mais là où, dans le passé, Okkervil River jouait de la pop de chambre un peu funèbre, où beaucoup d’anges (cette voix…) passait, il abandonne ici définitivement sa solennité, mais aussi un de peu de la singularité de Will Shelf, soudain démocrate. C’est donc logiquement dans les moments où les musiciens ne se sentent pas obligés de jouer systématiquement ensemble, avec cette santé et cette vigueur pour auto-radio de tracteur John Deere, que l’on retrouve, intactes et fascinantes, toute la gravité, l’intensité et le lyrisme forcené du groupe (Arcade Fire a forcément nagé, plus jeune, dans les remous d’Okkervil River). Les paroles sont imprimées sur la pochette : une fois encore, pour le prix d’un album, vous gagnez aussi un des meilleurs romans gothiques américains de l’année.
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