Radar Bros invente la fusion de Pink Floyd et Neil Young et accouche de chansons élégiaques. Visite en planeur. Bizarre, comme il intimide, ce deuxième album des Radar Bros le troisième en fait, si l’on compte un fondamental premier ep. Etrange, comme il laisse impuissant devant la page blanche peu de choses à […]
Radar Bros invente la fusion de Pink Floyd et Neil Young et accouche de chansons élégiaques. Visite en planeur.
Bizarre, comme il intimide, ce deuxième album des Radar Bros le troisième en fait, si l’on compte un fondamental premier ep. Etrange, comme il laisse impuissant devant la page blanche peu de choses à dire, peur de mal les dire, quand elles n’ont pas déjà été dites. Résumons : Radar Bros, c’est le groupe de Jim Putnam, peintre raté, aérophobe avéré et songwriter négligé, laissé-pour-compte d’une vague néocountry mourante, faire-valoir d’autres Will Oldham, Jim Callahan ou Josh Haden dans l’ombre étroite desquels il se tient timidement depuis trois ans, le laps de temps interminable qu’il lui a fallu pour écrire et enregistrer The Singing hatchet. Exactement le disque qu’on attendait de lui lui, l’alchimiste des genres, seul musicien connu à avoir réussi l’alliage de la country et du rock progressif, le seul à faire planer Nashville et ses cowboys obtus. Les Radar Bros, c’est un peu comme si Neil Young jouait avec le Pink Floyd louche et atmosphérique de Meddle : une alliance hybride, contre nature, accouchant de chansons célestes, ailées et élégiaques.
Sur The Singing hatchet, il y a de la batterie, de la basse et de la guitare, ni moins et à peine plus. De cette trame classique, dramatiquement basique, Jim Putnam se sert comme d’une piste d’envol pour sa voix de chérubin, qui tire vers le haut des mélodies cotonneuses, plus légères que l’air, flottant par-dessus l’instrumentation, des refrains désincarnés, désossés, comme gonflés à l’hélium puis lâchés aux quatre vents. La basse et la batterie ont beau jouer comme un cœur qui bat, marteler des tempos lourds et monotones, c’est encore et toujours le cristal de cette voix unique qui arrache le disque à la glèbe, à peine piquetée de quelques gouttes de piano (Tar the roof, Gas station downs), soulignée de minces traits d’orgue (Find the hour), de nappes de synthés clouées à la surface de mélodies vaguement narcotiques, franchement ailleurs (You’re on an island). On évoquait naguère un jacuzzi à la soude caustique, pour parler de cette musique aux bienfaits trompeurs, faussement émolliente. C’est qu’il y a quelque chose de sous-tendu chez les frères Radar, un drame familial, intime et refoulé, qui n’en finit plus de couver pour ne jamais éclater le calme qui précède les grandes tempêtes. Et c’est parce qu’il impose patience et attention que ce prog-folk éthéré fonctionne, parce qu’il tient tous les sens en éveil, parce qu’il fait redouter le pire, et que le pire est ici l’ami du bien. Voilà pourquoi il intimide tant, le deuxième album des Radar Bros, parce qu’il porte la marque des grands disques malades, ceux qui forcent le respect en même temps que la gêne et la compassion. Ceux qui fascinent, par-delà la conscience et l’entendement.
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